Regard périphérique sur le SCoT et sa révision pour 2050


La révision du SCOT métropolitain (Schéma de cohérence territoriale) Nantes-Saint-Nazaire, incluant les 11 communes d’Estuaire et Sillon - trait d’union nord estuarien entre Nantes-Métropole et la CARENE - est donc lancée . Pas évident que ça fera l’actualité jusqu’à l’automne, échéance prévue pour son aboutissement.

S’agissant d’un document d’urbanisme et d’aménagement « stratégique » à l’horizon 2050, ce pourrait être l’occasion d’envisager l’avenir régional autrement que sous l’angle du catastrophisme intégral, climatique et autre. 

Malgré cette évidence que je ne serai plus là pour en voir la réalisation, je garde néanmoins certaines raisons de m’y intéresser. 

  • Comme natif et néo-résident depuis 40 ans, citoyen ex-élu communal (2008-2014) et usager de services publics, la plupart à la ramasse (Cf. Place publique, Nantes/Saint-Nazaire #85, hiver 2022-2023). 
  • Etant moi-même triplement « périphérique » : dans la bi-centralité nanto-nazairienne ; dans l’intercommunalité CCES fusionnée, et jusque dans ma commune, sur les hauts du Sillon de Bretagne.
  • Enfin, comme géographe de la vieille école, formé jadis en aménagement régional à l’IGARUN (DEA). Mais, de nos jours, que vaut encore un quelconque soupçon d’expertise ? 

Il n’empêche : je m’autorise toujours à me poser certaines questions sur le Scot : 

Le Pôle métropolitain Nantes-Saint-Nazaire.
Une hiérachie de collectivités genre "poupées russes" :
une fois emboîtées,  il n'en reste plus qu'une.

  1. Son périmètre, suffisant ou restrictif (voir carte ci-dessus, verte, bien entendu) ? 
  2. Son édifice et sa gouvernance dans l’entre-soi des seuls élus – « grands » ou plus petits, municipaux - genre « poupées russes » d’intercommunalités emboitées et hiérarchisées ? 
  3. Devant la montagne impressionnante de sa documentation, en cartes et tableaux, édifiée par les agences d’urbanisme AURAN et ADDRN (https://www.nantessaintnazaire.fr/ressources/), le risque que toute « l’ingénierie métropolitaine » n’accouche, à la fin, que d’une souris ? 
  4. Sur le dispositif et la méthodologie de sa révision - copie confirme de celle des « Grands débats » de Nantes-Métropole (agglo) - le cinquième étant simultanément lancé aussi. Sont-ils adaptés au SCoT ? Avec une participation si bien encadrée et aux questions formulées de telle sorte que les réponses paraissent déjà y figurer. 
  5. Enfin sur les « thématiques » retenues à cet effet, tellement dans l’air du temps, qu’elles paraissent viser d’emblée et sans grand examen la fabrique d’un consensus durable. 

Avec pourtant des absences remarquables, par lesquelles on glisse sous le tapis des questions devenues obsédentes : 

  • la désindustrialisation rampante de l’estuaire, sous couvert de "décarbonation" ; 
  • la fin de toute perspective d’aménagement par de grands équipements structurants, la ZAD étant passée par là ; malgré l’obsolescence et l'insuffisance de ceux encore existants (aéroport Nantes-Atlantique saturé, franchissement(s) de la Loire bouchonnés). 
  • Avec un gommage intégral des conflits sociaux et territoriaux récurents : Centrale EDF de Cordemais, usine Tipiac à Malville, laiterie Candia à Campbon, et d'autres émergents dans les intercommunalités. 
  • Et connaît des tendances socio-politiques de long terme (abstentions, vote RN, Gilets jaunes...) partie intégrante de l’état des lieux, et pourtant exclus d’un bilan à faire aussi à cette occasion. 

Plus de questions que de réponses à ce jour, mais encore un peu de temps pour rendre une copie plus développée d’ici septembre. 

Suivant cette piste d'approche :  

Nantes n’est pas seulement ce qu’elle croit être : attractive, culturelle, « smart city »,  ou autre désignation. Elle est l’incarnation, parmi huit autres en France, de la métropolisation : production d’un espace voulu et organisé par et pour le capitalisme contemporain mondialisé. Sa « métropole », périphérie comprise - qui déborde de partout les limites du Pôle métropolitain du Scot - exerce sa suprématie dans sa « zone d’influence ». Le Scot est l’un des outils, limité ét imparfait, de l’extension du domaine de la ville. Le « Droit à la ville » (Lefebvre,1968) devient désormais, non pas un pseudo droit au rural, largement fanstamé par les "néo-ruraux", mais un droit bien plus large au périurbain. Ce droit nouveau y affronte aujourd'hui les différences, les disparités et inégalités socio-territoriales, les désafiliations sociales (syndicales) et politiques (partis et élections), en bref diverses formes d'une co-errance territoriale vis-à-vis de la centralité nanto-nazairienne. 

A suivre. 

Référence 

Jean-Yves Martin, Paysages, pouvoir et colères du Sillon à l'Estuaire, Ed. du Petit Pavé, 2020.


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