Au Conseil communautaire d'Estuaire et Sillon du 19 décembre 2019


Adieu la Centrale de Cordemais, bonjour l'écologie climatique

Le double débat sur le Pacte d'après Centrale [1] et le Projet de transition écologique/énergétique [2] a été placé à ce dernier conseil communautaire d'Estuaire et Sillon de l'année 2019, dans la perspective de l'élaboration d'un « Projet de Territoire » qui joue cependant l'Arlésienne : on en parle toujours, mais on ne le voit jamais vraiment arriver. Pourtant, souligne le président, « des crédits sont débloqués, disponibles pour l'opération d'élaboration du Projet de Territoire ». Pour un délégué de Prinquiau, s'agissant de ce Projet de territoire, «il devient urgent d'en fixer les grands axes », au moins de donner « les grandes orientations » pour les nouveaux élus de mars 2020. Le Pacte post-centrale lui-même s'inscrit au « calendrier d'un projet à engager » [1].

Centrale EDF de Cordemais : chronique d'une fermeture annoncée


Il est fait miroiter des crédits de l’État pour des études, et des compensations fiscales auxquelles pourraient prétendre Estuaire et Sillon et la commune de Cordemais suite à la fermeture annoncée de la centrale EDF. Si le maire de Campbon se félicite du contenu du « Contrat » (alors qu'il a été rebaptisé Pacte, nuance sémantique non-négligeable), un conseiller de Malville fait remarquer, lui, que l’État n'a envisagé que « 40 M. sur les quatre centrales » à fermer et que localement, « les plus grosses collectivités (Nantes-Métropole, le Département, la Région) ont déjà préempté ce pactole ». Pour lui, en Estuaire et Sillon, « on ne pourra compter que sur nos propres » forces », et « c'est à nous de piloter le projet ».

Pour le président, c'est d'un « défi de développement économique qu'il s'agit », et il admet que pour l'instant il prend la forme d'une hétéroclite « liste à la Prévert ». C'est « un pacte de suggestion, pas de subventions », qui repose essentiellement sur un partage « d'ingénierie », de savoir-faire managériaux. Il doit être signé, dans l'urgence (?), à la mi-janvier.

Pour tout le monde, il semble établi et évident que la page Centrale EDF de Cordemais est déjà définitivement tournée. Personne ne semble croire sérieusement en la pérennité du projet « Ecocombust » [4, 36-39]. D'ailleurs, il échappe même cette formule au président que c'est là un « contrat de fin de centrale pour Cordemais », qui ne le cache pas.

Place publique #71
Mais si la centrale est sacrifiée sur l'autel anti-carbone, quel sort peut-il être réservé, ensuite, et à la raffinerie de Donges (hydrocarbures), et au terminal méthanier de Montoir (GNL) ? À ce compte-là, l’estuaire de la Loire décarboné, ne risque-t-il pas d’être économiquement carbonisé ? C'est le président du Conseil de Développement de Nantes-Métropole qui pose cette question [4, pp.40-43]

Mis au vote, la délibération approuvant le « Pacte » obtient l'unanimité, moins une abstention. Celle du maire de Malville, qui estime que les mesures envisagées dans le Pacte ne sont pas à la hauteur des conséquences de la fermeture de la Centrale. Seul élu à le dire subrepticement, en passant le micro strident à quelqu'un d'autre. Pas question cependant de voter contre dans le consensus régnant. Il se vérifie donc ce soir-là qu'au conseil communautaire, le summum de l'opposition c'est l'abstention rarissime.

1er PCAET : bonjour l'écologie climatique

Quant à lui, le 1er PCAET (Plan climat air énergie territorial 2020-26 [2]) ne cache pas ses ambitions : « pour la transition écologique et industrielle de la centrale de Cordemais et de l’estuaire de la Loire ». Il se fixe des objectifs à … 2050. Le rapporteur questionne alors : « qui sera encore autour de cette table ? » Dans les perspectives qui lui sont fixées, il y a « sortie de la Centrale de Cordemais » (nouvel aveu), car « elle vient perturber le diagnostic » des gaz à effet de serre (GES). Comme si un « bilan carbone » s’arrêtait à une quelconque frontière. À propos des sources des GES, le maire de Cordemais, rapporteur, ironise tout-de-même un peu : « à Cordemais on fait des GES, à Campbon vous brassez de l'air », avec des éoliennes. Piqué au vif, le maire de Campbon surenchérit en annonçant un deuxième champ d'éoliennes à Cambpon et un troisième à Quilly, à cheval avec Guenrouët.

Un élu savenaisien joue alors, selon ses propres termes, « l'écolo de service ». Il discute les chiffres annoncés qu'il juge insuffisants : 1,24 M. sur six ans, plus 300.000 de subventions ! Pour lui c'est 7 M. qu'il faudrait dégager pour le PCAET. Mais, « on peut compter sur l’État », affirme-t-il, très sûr de lui. Alors que les renoncements et abandons de l'Etat ne se comptent plus depuis vingt ans dans notre territoire élargi.

Pour le président, ce 1er PCAET est « ambitieux mais tenable ». Il s'inscrit dans les prévisions du GIEC. Alors qu'à la récente COP25 de l'ONU à Madrid, « ils n'ont pas été foutus de se mettre d'accord » souligne au passage le rapporteur. L'échec de Madrid montre que l'écoligarchie mondiale sous l’égide de l'ONU/GIEC - malgré la présence de Greta Thunberg - rencontre des difficultés pour faire partager ses ambitions planétaires, auprès des pays BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), des pays émergents qui aspirent au développement, et des pays sous-développés désormais interdits de toute croissance carbonée par les objectifs de l'Accord de Paris (2015). Petit à petit, le périmètre de cet accord se réduit comme peau de chagrin à l'Union Européenne (Déclaration sur l'urgence climatique du 28 novembre 2020), bientôt amputée du prochain Brexit.

Pour le Maire de Campbon, en Estuaire et Sillon, il faudrait « passer la vitesse surmultipliée sur trois ou quatre points », dont les éoliennes et le photovoltaïque, tout en ménageant leur « acceptabilité citoyenne ». Pour cela, on pourra, dit le président, compter sur le Conseil de Développement local et les « acteurs du suivi réuni dans un COPIL » (comité de pilotage, constitué habituellement d'élus), dans une « gouvernance partagée », avec qui ? Mais, jusqu'à présent, l'expérience intercommunale a malheureusement démontré, sur les dossiers environnementaux précédemment traités (redevance incitative, SPANC), qu'il n'y a jamais eu - malgré les promesses initiales - de point d'étape, de suivi quelconque, ni de réunions publiques [5].

Le PCEAT serait un élément du « Projet de Territoire », pour « un territoire de projets », selon le président qui reprend-là ses propres formules de janvier 2017, au moment de la fusion intercommunautaire. Or, depuis, le projet n'a guère avancé. Ce sera désormais, dit-il, la tâche des prochains élus, après mars 2020.

Pour le vote du PCAET, là aussi, unanimité. Moins une abstention : celle de « l'écolo de service » [dixit] qui trouve, lui, que ce projet n'irait pas assez loin.

Poupées vertes emboîtées
Ce conseil communautaire du 19 décembre illustre donc son rôle restreint de chambre d'enregistrement de décisions élaborées et prises ailleurs, en amont, avec d'autres (services et agences d’État [ADEME], CESER des Pays de la Loire), hors et loin des citoyens : bureaux d'études (rien moins que trois pour le seul PCAET : Auxilia, Atmoterra, Akajoule), collectivités surplombantes [Nantes-Métropole, Département et Région Pays de la Loire]. Le tout constituant ce qu'on peut qualifier d'une « écoligarchie » [4] - en "matriochkas" -, disposant, on le voit, de relais locaux vraiment peu critiques et certains, au contraire, extrêmement zélés.



Références :
1 - Pacte pour la transition écologique et industrielle de la centrale de Cordemais et de l’estuaire de la Loire, version du 11/12/2019
2 - Projet de Plan Climat Énergie Territorial, Estuaire et Sillon, Décembre 2019.
3 – EDF, La centrale thermique de Cordemais, Dossier de Presse, 2019.
4 – Place Publique, Revue urbaine, N°71, Dossier : Demain l'estuaire de la Loire ! Transition économique et changement climatique, Été 2019.
5 - Jean-Yves Martin, Paysages, pouvoir et colères du Sillon àl'Estuaire, à paraître en janvier 2020, Éditions du Petit Pavé.

Réponse à un commentaire :
Bonjour,votre propos est difficile à comprendre : vous semblez très en difficulté avec l'organisation interco (ok), mais vous évoquez "l'écologie climatique" et on peine à saisir si vous avez un problème avec la fermeture de Cordemais ? avec le développement des énergies renouvelables ? avec les écolos ? avec les non écolos ? Ou si vous souhaitiez tout simplement faire une sorte de compte rendu ?Bref... on reste sur notre faim

Bonjour,
Cet article de blog n'avait pas d'autre objectif, limité, que de faire un compte-rendu des débats du dernier conseil communautaire sur ses deux point principaux, en les contextualisant un minimum. Il m'a permis de vérifier, une nouvelle fois, certains dysfonctionnements en cette enceinte : entre autres, postures des uns et des autres, puis, finalement, unanimisme de façade,
Quelques éléments de réponses sur trois points.
1) Je ne suis pas « en difficulté » avec la CCES. C'est plutôt elle qui me paraît en difficulté avec ses propres citoyens, parce que coupés d'eux, davantage encore depuis la fusion de 2017. Pour l'avoir pratiquée, de l'intérieur, de 2008 à 2014, et avoir continué de l'observer attentivement depuis, j'ai toujours été critique de son fonctionnement (sa « gouvernance ») et de ses orientations : déficit démocratique, absence prolongé d'un introuvable « projet de territoire » qui lui soit propre (pas celui du SCOT métropolitain) ; poids des services technocratiques ; distance avec les citoyens des communes...
2) Pour Cordemais : personnellement je pense que sa fermeture annoncée est une erreur – Ecocombust n'étant que l'habillage d'un sursis à durée limitée - dont on mesurera les effets dans l'avenir. Entre résignation et enthousiasme, absolument personne au Conseil communautaire ne s'est cependant exprimé pour sa défense et son maintien. Ce ne sera là-encore qu'un énième renoncement après bien d'autres dans l'aménagement local et régional. Les énergies dites « renouvelables » sont surtout intermittentes, non stockables, et l'objectif de les porter à 30 ou 50% de la consommation d'énergie d'ici 2050, à quelque échelle que ce soit (locale, régionale, nationale, européenne et planétaire), n'est pas réaliste, ni atteignable, et même peut-être utile. Pour un coût exorbitant, que nous payons chaque année plus lourdement sur nos factures d'usagers (taxes : CTA, CSPE, TVA)
3) Ayant reçu, dans mon (long) cursus universitaire de géographe, une large formation en diverses sciences de l'environnement [biogéographie, climatologie, hydrologie, géomorphologie...], je regrette que l'écologie ait tourné entre-temps, en passant du « développement durable » au « climat » (et dans une totale confusion avec la météorologie), à l'idéologie. Je suis et reste(rai) un « laïc » de ce qui est devenu une quasi religion, intolérante et hyper invasive dans les débats et les médias.
Vous restez sur votre faim ? Il se trouve que mon prochain livre, à paraître début janvier 2020 aux éditions régionales du Petit Pavé, aborde plus à fond l'ensemble de ces questions. Je ne peux que vous inviter à vous y reporter pour y trouver des réponses plus complètes, argumentées et référencées.
JY M.

à paraître :

260 pages, 20 € en souscription jusqu'au 10 janvier 2020 : envoyer un chèque à l'ordre des Editions du Petit Pavé à l'auteur, J-Y Martin, Clos-Rouge, Feuillée, 44260 La Chapelle Launay.
Retrait des exemplaires souscrits, le samedi 11 janvier, de 10h. à midi, au café le Bistrot, place de l'Hôtel de Ville à Savenay.

Commentaires

  1. Bonjour,
    votre propos est difficile à comprendre : vous semblez très en difficulté avec l'organisation interco (ok), mais vous évoquez "l'écologie climatique" et on peine à saisir si vous avez un problème avec la fermeture de Cordemais ? avec le développement des énergies renouvelables ? avec les écolos ? avec les non écolos ? Ou si vous souhaitiez tout simplement faire une sorte de compte rendu ?
    Bref... on reste sur notre faim

    RépondreSupprimer
  2. Vous regrettez que l'écologie soit passée du développement durable à l'idéologie, ça veut dire que vous regrettez que l'écologie ne défende plus le développement durable si je vous comprends bien.
    Pourquoi pas, (surtout si quand on dit "écologie" on entend "EELV"...)

    En revanche pourquoi considérer que la fermeture de la centrale à charbon soit une erreur si vous êtes en faveur du développement durable ?!

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire