La revue Regards publie dans son numéro de
Printemps un intéressant dossier intitulé : "Pendant ce
temps là... Climat/Biodiversité GAME OVER."
Vraiment, la partie est-elle jouée ? Dans ce dossier - inégal et peu cohérent, mais il a au moins ce mérite rare d'ouvrir un débat - la journaliste Marion Rousset consacre un article à "L'effondrement qui vient, un discours à double tranchant". Selon elle, « en conjuguant au futur une catastrophe bien contemporaine, les prophètes de l'effondrement cèdent à un fatalisme qui tend à exonérer le capitalisme et à dépolitiser – voire à abandonner - le combat ». Plutôt que d'identifier les adversaires à combattre, un certain discours écolo-catastrophiste préfère blâmer "l'humanité" en général et appeler à une vague "prise de conscience" collective type "Marches pour le climat".
Vraiment, la partie est-elle jouée ? Dans ce dossier - inégal et peu cohérent, mais il a au moins ce mérite rare d'ouvrir un débat - la journaliste Marion Rousset consacre un article à "L'effondrement qui vient, un discours à double tranchant". Selon elle, « en conjuguant au futur une catastrophe bien contemporaine, les prophètes de l'effondrement cèdent à un fatalisme qui tend à exonérer le capitalisme et à dépolitiser – voire à abandonner - le combat ». Plutôt que d'identifier les adversaires à combattre, un certain discours écolo-catastrophiste préfère blâmer "l'humanité" en général et appeler à une vague "prise de conscience" collective type "Marches pour le climat".
S'agissant d'Aurélien Barrau, l'Archange
de l’Apocalypse, chouchou du jour des médias, l’astrophysicien
se mue en paléontologue en affirmant que « même dans un passé
lointain où nous étions encore chasseurs-cueilleurs, dès qu'une
zone de la planète se trouvait colonisée par les humains, la
macrofaune était massivement décimée. Souvent par une volonté
explicite d'extermination ». Marion Rousset estime cette
affirmation fausse : elle permet juste de reconduire le "mythe
dangereux de l'anthropocène", c'est-à-dire de la
responsabilité de "l'homme en général", et ainsi
« de dédouaner le capitalisme extractiviste », qui ne
serait d'ailleurs pas, selon Barrau, le "principal problème."
Aussi le discours
catastrophique – avec son anthropocentrisme et sa naturalisation du problème – ne
génère-t-il pas automatiquement la mobilisation anticapitaliste à
même d’empêcher le désastre. Les précédents historiques de
catastrophismes comme le souligne Jean-Baptiste Fressoz, coauteur de
L’événement anthropocène, montrent de nombreux exemples
d'instrumentalisation du climat à diverses époques de mutations et de transitions technologiques et énergétiques.
Selon Marion Rousset, « si elle
n'intervient pas dans un contexte de forte mobilisation démocratique
populaire, la multiplication de prédictions catastrophiques a de
grandes chances d'encourager des pratiques de repli défensif
individuel » tel que le Survivalisme (B.Vidal :
Survivalisme, êtes-vous prêts pour la fin du monde ?, 2018)
Dès 2008, René Riesel et Jaime
Semprum, dans leur livre prémonitoire Catastrophisme,
administration du désastre et soumission durable,
indiquaient que « le catastrophisme d’État n'est très
ouvertement qu'une inlassable propagande pour la survie planifiée –
c'est-à-dire pour une version plus autoritairement administrée de
ce qui existe ».
Depuis, dans À
nos amis (2014, chap.2, p.21-39), le Comité invisible a, lui, finement analysé " la manière dont le capital a substitué au culte du
progrès le chantage à la catastrophe », en adoptant « la
gestion de crise comme technique de gouvernement ». Une
"gouvernance" de catastrophe qui a depuis monté en
échelle, une "stratégie du chaos" (N.Klein) portée du local au global, de l'UE à l'ONU
(GIEC).
Trente ans plus tard, la facilité avec
laquelle un Aurélien Barrau appelle les gouvernements à « suspendre
les libertés individuelles », afin d'imposer les mesures "impopulaires", est pour le moins inquiétante.
Pourtant, dès 1980, le pionnier de l'écologie politique Bernard
Charbonneau tirait la sonnet d'alarme dans Le Feu vert :
« l'éco-fascisme à l'avenir pour lui, et il pourrait être
aussi bien le fait d'un régime totalitaire de gauche que de droite
sous la pression de la nécessité », comme celle des "urgences" réelles ou
fantasmées.
Conclusion : « Le discours
catastrophique ne génère pas automatiquement la mobilisation
anticapitaliste à même d'empêcher le désastre, mais il peut être
détourné au service des pires politiques ». C'est bien pourquoi, contrairement aux aspirations de certains, et sans même parler du fond du dossier climat, il n'y aura pas de "révolution climatique" anticapitaliste.(1)
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