Au
premier semestre de 2018, avec la "dézadification" à
Notre-Dame-des-Landes par l'intervention policière massive,
technicisée (drones) et mécanisée (blindés anti-émeutes, grenades,
flash ball), Gérard Collomb a initié, pour un isolat emblématique, une
méthode de réduction des résistances à la logique métropolitaine
en marche. A l'époque contre la ZAD, foyer de résistance à un
projet estimé "inutile et non-pertinent" malgré son
approbation majoritaire dans le département de Loire Atlantique, en juin 2016. Suite à
son abandon gouvernemental début 2018, a contrario de l'engagement de
campagne de Macron de le réaliser, la normalisation foncière du
périmètre prévu vient de franchir une étape cruciale en cette fin d'année, avec le rachat à
Vinci de l'essentiel des terres agricoles concernées par le
département de Loire Atlantique. (1)
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Caricature de Cambon |
Certes
Collomb a-t-il démissionné entre-temps, mais sa méthode perdure et
s'étend. Castaner cherche désormais à l'appliquer à la répression
non seulement des Gilets jaunes aux ronds-points du périurbain, mais
à tous les mouvements sociaux, aux retraités, aux lycéens, aux
migrants et à leurs soutiens. La "France périphérique" populaire du
périurbain - cette notion décidément étrangère aux bobos et
éco-technos centraux, comme aux cercles académiques, adeptes imperturbables du Guilluy bashing - s'est mise elle-même spectaculairement en
mouvement au cours des dernières semaines de l'année. A partir
d'une colère initiale contre les taxes sur les carburants, la
contestation multiplie cette fois non seulement ses revendications,
mais diversifie également ses points de fixation et d'expression.
Des ronds-points et péages, elle passe, au fil d'Actes successifs,
aux lieux centraux symboliques, les Champs-Élysées et l'Arc de triomphe,
et se démultiplie jusque dans les métropoles régionales, voire des
villes moyennes. Les méthodes policières de la "dézadification" mises en œuvre par Collomb début 2018 ne peuvent cependant pas
s'étendre à l'ensemble de tout le territoire en fin d'année. Elles
se caractérisent surtout par une brutalisation accentuée des actions policières à l’affût fébrile de cibles mouvantes.
Par
ailleurs, le pouvoir aux abois tente de freiner la montée en
puissance de sa contestation globale, en cherchant de la diluer grâce à un
débat décentralisé annoncé pour le premier trimestre de 2019. Pas
sûr que cela suffise à reconstituer un consensus territorial par
défaut, alors qu'il vient de se déchirer si profondément sous nos
yeux, en révélant du même coup la vigueur d'une "conflictualité
spatiale" souterraine jadis pointée par Henri Lefebvre, brisant ainsi un
trop long "silence des usagers" et mettant fin au "consensus spatial" (in : La production de l'espace, 1974). Le Droit à la ville s'élargit en droit au périurbain, qui n'est qu'une forme autre du droit à la centralité (2). Les projets collombiens de "métropolisation
heureuse", suivant le modèle contesté de Lyon,
annexant l'ensemble des départements métropolisés, paraissent bien
compromis. La consultation précipitée du CNDP à venir pourrait d'ailleurs bien
le confirmer, pour peu que les citoyens veuillent et sachent s'en
emparer.
Notes :
(1)
Lire mon chapitre : « Collomb le dézadificateur »
dans le livre à paraître en février prochain, Le
« camarade » Collomb, la loi asile et Saint-Augustin,
aux éditions ThoT, sous la direction de Hugues Lethierry. Couverture ci-contre.
Plus de détails et BON DE COMMANDE en souscription
(2) Henri Lefebvre, La révolution urbaine, 1970, p.179. Il écrit également : "Les contradictions ne se situent plus entre la ville et la campagne. La contradiction principale se déplace et se situe à l'intérieur même du phénomène urbain : entre la centralité du pouvoir et les autres formes de centralité, entre le centre "richesse-pouvoir et les périphéries, entre l'intégration et la ségrégation." Henri Lefebvre, La révolution urbaine, 1970, p.225.
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