Étude Viavoice
pour la Fondation Gabriel Péri - Janvier 2018
Synthèse des enseignements par Stewart Chau, Consultant et Aurélien Preud’homme, Directeur des études politiques
Communisme et marxisme :
Des idées
perçues comme « dépassées »…
et pourtant portées par les
nouvelles générations
Et si les idées communistes et
marxistes retrouvaient une nouvelle jeunesse ?
Peu crédible il y a encore quelques
années, cette hypothèse apparaît en tout cas confortée par
certaines évolutions notoires au sein de l’opinion publique :
alors que la chute du mur de Berlin puis celle de l’URSS avaient
représenté pour beaucoup la fin des idéaux communistes, voire la «
fin de l’Histoire »* par la « victoire » du libéralisme
économique occidental sur le modèle soviétique, certaines analyses
ou idées d’essences communistes ou marxistes reviennent
progressivement sur le devant de la scène.
Deux phénomènes en particulier
attirent l’attention. Le premier est lié au retour d’un
sentiment de « lutte des classes » au sein de la société, à la
faveur de la crise sociale et de la montée des inégalités. Le
second est un clivage générationnel marqué dans les opinions et
imaginaires liés au communisme, qui est perçu plus favorablement
par les jeunes générations, moins marquées par le souvenir de la
guerre froide et des régimes autoritaires qui ont revendiqués
l’idéal communiste dans la seconde moitié du XXe siècle.
Les idées communistes et marxistes
: d’une image surannée à un retour progressif ?
Certes l’idée selon laquelle les
idées communistes et marxistes seraient « dépassées » est
partagé par 62 % de la population française. Dans la même idée,
42 % de l’opinion publique pense également qu’il est toujours «
mal vu de se dire communiste » aujourd’hui, contre 33 % d’un
avis contraire et 25 % sans opinion. Enfin « la pensée de Karl Marx
» n’est perçue positivement que par 17 % des Français, contre 57
% de la population qui la perçoit négativement, et 26 % sans
opinion.
Pour autant, derrière ces visions se
cache un clivage générationnel important et non dénué de sens :
alors que les personnes âgées de plus de 65 ans – qui avaient au
moins 37 ans au moment de la chute du mur de Berlin – sont
seulement 14 % à avoir une opinion positive de l’auteur du Capital
et du Manifeste du Parti communiste, ce taux monte à 26 % auprès
des 18-24 ans et 21 % auprès des 25-34 ans, générations qui n’ont
pas connu directement la guerre froide et des régimes communistes
d’Europe de l’Est.
L’idée selon laquelle le mot
communisme fait « ancien, dépassé » est également marqué sur le
plan générationnel : 72 % des plus de 65 ans partagent cette idée,
mais ce taux décroît avec l’âge : 66 % dans la génération
ayant 50 à 64 ans, 56 % auprès des 35-49 ans et des 25-34 ans, et
seulement 50 % des 18-24 ans. Si ces opinions devaient continuer à
évoluer selon la même tendance dans les années à venir, il y a
donc fort à parier que le communisme apparaîtra de moins en moins «
dépassé »… à l’avenir.
Un clivage social toujours marqué
dans les rapports au communisme et au capitalisme
Au-delà du clivage générationnel, un
clivage social existe également dans les imaginaires liés au «
communisme » comme au « capitalisme » et au « libéralisme » :
si ce clivage était régulièrement souligné durant les « Trente
glorieuses », compte tenu d’une certaine conscience de classe et
de la présence forte du Parti communiste dans la vie ouvrière, il
peut paraître moins évident aujourd’hui compte tenu de
l’éloignement progressif des catégories populaires de la gauche
et de ses idées, du moins sur plan électoral.
Notre étude montre pourtant que ce clivage social est toujours bien présent, et continue à structurer le rapport au communisme et au capitalisme :
Notre étude montre pourtant que ce clivage social est toujours bien présent, et continue à structurer le rapport au communisme et au capitalisme :
- Alors que 70 % des catégories aisées (CSP+) considèrent que le communisme fait « ancien » et « dépassé », cette opinion n’est partagée que par 52 % des catégories populaires, employés et ouvriers ;
- De même, si parmi les catégories aisées 44 % des répondants considèrent qu’il est toujours « mal vu de se dire communiste aujourd’hui », cette opinion n’est partagée que par 36 % des répondants au sein des milieux populaires ;
- Et le même constat peut être fait vis-à-vis du « capitalisme » – perçu positivement par 31 % des catégories aisées contre à peine 15 % des catégories populaires – ou encore du « libéralisme économique » (34 % contre 22 %), accréditant l’idée selon laquelle la perception du système économique reste fortement conditionnée socialement.
En dépit de ces clivages marqués et
de ces tendances, les principales idées communistes restent
toutefois minoritaires, notamment lorsqu’elles nécessitent une
part d’espoir et d’idéal, au sein d’une société à bien des
égards « désenchantée » : ainsi, alors que 38 % des Français
(et 57 % des sympathisants de gauche) sont d’accord pour dire que
la pensée de Karl Marx reste utile pour comprendre le fonctionnement
du capitalisme aujourd’hui, ils ne sont plus que 18 % (et 32 % à
gauche) à voir dans les idées communistes et marxistes « une
alternative crédible » au système économique actuel.
Le retour de la lutte des classes ?
Une idée essentielle de l’analyse
marxiste et communiste est toutefois déjà majoritaire dans
l’opinion : celle de la lutte des classes. Pour les trois quarts
des Français, il existe toujours des classes sociales dans la
société (76 %) et pour une majorité le concept de « lutte des
classes » reste d’actualité pour décrire les rapports sociaux
actuels (56 %).
Un concept qui a déjà fait un retour
remarqué sur le plan médiatico-politique, à la faveur de la montée
des inégalités, des scandales financiers successifs (Panama ou
Paradise papers) et des revenus croissants des plus grandes fortunes.
Remettant ironiquement au goût du jour une phrase pourtant écrite
au milieu du XIXe siècle : « La production du capitalisme engendre,
avec l’inexorabilité d’une loi de la nature, sa propre négation
». Après tout, l’Histoire n’est peut-être pas tout à fait
finie.
Source Viavoice : Stewart
Chau, Consultant Aurélien Preud’homme, Directeur des études
politiques
Commentaires
Enregistrer un commentaire