Penseurs pré-écologiques, une histoire alternative de l'émancipation

La généalogie intellectuelle des "pensées pré-écologiques" proposée par Serge Audier revient sur des évidences trompeuses, notamment celle qui voudrait que les mouvements émancipateurs, marqués par le productivisme, n’aient abordé que très tardivement les enjeux écologiques. 

On redécouvre certes des voix minoritaires anciennes qui, de Henry D. Thoreau à William Morris, avaient manifesté très tôt un souci inédit de la nature. Mais en les érigeant en héros solitaires, on a contribué à occulter une nébuleuse beaucoup plus large et méconnue qui - entre socialisme, communisme, anarchisme et républicanisme - a esquissé les traits d’une "société écologique". 

L’objectif de ce gros ouvrage (750 pages tout de même !) est d’exhumer et de reconstituer une pensée sociale de l'émancipation et de la nature, construite aux marges du "grand récit" socialiste, anarchiste, communiste et républicain. Pour "une histoire alternative de l'émancipation" à travers ces pensées pré-écologiques. 

Lire la chronique de Cynthia Fleury dans l'Humanité.
http://www.humanite.fr/les-pensees-pre-ecologiques-637467

Extrait :
"L’objectif d’Audier est ici de montrer comment une large part des idées de l’écologie scientifique et politique ont été contemporaines de l’invention du socialisme, du communisme et de l’anarchisme, voire même d’un républicanisme social-libéral. Non, la société écologique n’est pas strictement l’avatar d’un conservatisme qui ne dit pas son nom, mais relève d’un héritage progressiste, prônant une société ouverte contre une société close, sachant néanmoins formuler une critique sociale des effets pervers d’un industrialisme qui n’interroge pas ses ­externalités négatives. La gauche se caractérise, bien sûr, par une dénaturalisation des inégalités et des hiérarchies – au sens d’une défatalisation –, mais penser une connexion à la nature plus harmonieuse n’est nullement antinomique de cela, bien au contraire. Les courants écologiques renvoyant à des écoles antilibérales, fascisantes ont bel et bien existé, mais ne correspondent pas à l’intégrale de l’écologie. Charles Fourier, Victor Considerant, Owen, Jules Michelet, Humboldt, Thoreau, George Perkins Marsh, Alfred Russel Wallace, Reclus, Morris, Kropotkine, Perrier, Callenbach, Flora Tristan, Constantin Pecqueur… tous ces auteurs sont idéologiquement très éloignés, et pourtant tous ont contribué à façonner une pensée écologique qui ne soit pas piégée par l’ordre conservateur."

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