Révolution numérique, révolution culturelle ?

Extrait de la chronique de la philosophe Cynthia Fleury dans l'Humanité du 5 décembre 2014

" Rémy Rieffel, dans son dernier opus, Révolution numérique, révolution culturelle ? (Gallimard, Folio, 2014), revient sur ces technologies qui ont littéralement élargi notre cadre spatio-temporel et reconfiguré nos usages. Machine à vapeur et chemin de fer pour la première révolution industrielle, électricité et pétrole pour la deuxième, électronique, informatique et Internet pour la troisième, et tout de nouveau se transforme : nos pratiques d’achat, notre rapport à la santé, notre organisation du travail ou des loisirs, notre intimité et nos modes de sociabilité, etc.

Être connecté devient l’antichambre de tout mode d’être et d’existence. Le traitement et la transmission de l’information constituent les sources principales du pouvoir et de la productivité. Le numérique, loin de n’être qu’un dispositif instrumental, est devenu un milieu de vie. La liste d’« amis » est désormais l’outil classique de navigation des internautes (Cardon). C’est l’heure de l’individualisme expressif (Allard). La visibilité et l’attention sont les valeurs phares du marché. 59 % des jeunes Européens (entre 9 et 16 ans) ont un profil sur un réseau social. Autant dire qu’il n’y a pas pour les jeunes de culture relationnelle sans Internet. Les usages subversifs du Web sont légion. L’éthique « hacker » revendique aussi son influence : open data, principes du logiciel libre, open source, etc. Si Internet n’est nullement à l’origine des révoltes populaires, il est néanmoins leur instrument le plus amplificateur aujourd’hui. Révolution culturelle ? Révolution numérique ? On s’entendra au moins sur l’item  commun."

Présentation de l'éditeur

Sommes-nous aujourd'hui les acteurs d'une troisième révolution industrielle, après une première fondée sur l'essor de la machine à vapeur et du chemin de fer, puis une deuxième symbolisée par l'exploitation de l'électricité et du pétrole? Elles ont en commun de grands réseaux (chemin de fer, électricité, Internet), des innovateurs (James Watt et sa machine à vapeur, Thomas Edison et son empire industriel, Bill Gates et son entreprise Microsoft) et un imaginaire qui annonce la naissance d'une nouvelle humanité.
À partir du domaine de la culture (cinéma, photographie, livre, musique, arts, presse, radio, télévision...), Rémy Rieffel prend l'exacte mesure de cette révolution dans les relations à soi-même et aux autres, dans l'accès au savoir ou aux connaissances, dans le rapport à l'information et à l'argumentation. Est-ce une rupture anthropologique de nos sociétés, ou plutôt une nouvelle transformation de nos usages des moyens de communication comme l'humanité en a connu à plusieurs reprises au cours de son histoire? Simple changement d'échelle ou véritable changement de nature, dans un univers où s'affrontent des valeurs d'émancipation et d'ouverture d'un côté et des stratégies de contrôle et de domination de l'autre?

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