L’auteur, Gérald Bronner, professeur de sociologie à l'université de Paris - Diderot, s’attache dans ce nouveau livre, à décrypter un certain imaginaire, obsédant,
au point qu’il est devenu la grande idéologie de notre temps. Il montre que cet
imaginaire apocalyptique, qui trouve sa vitalité en se hasardant à décrire la
manière dont notre monde pourrait finir, est avant tout une idéologie
d’intimidation. A travers une brève histoire de la fin des temps – citant films
et séries télévisées, notamment la subculture particulièrement à la mode des
zombies, de la Nuit des morts vivants à Walking Dead – il montre que depuis la
fin des années 1990, notre imaginaire a été finalement envahi par une nouvelle
terreur : celle de l’apocalypse écologique.
Auparavant, les coupables idéaux
étaient plutôt les déviants ou les minorités, c’est-à-dire les autres,
désormais, de nouveaux acteurs apparaissent sur la scène de la détestation qui
,pourraient bien être d’autres nous-mêmes, avec l’émergence d’une véritable
haine de soi, d’une crainte et d’une haine de l’action humaine, qui se
transforme facilement en une auto-détestation qu’il nomme anthropophobie. Il montre que le "principe
responsabilité" du philosophe allemand Hans Jonas - source du
"principe de précaution" - a nourri surtout une « heuristique de
la peur » porteuse d’un impératif in dubio pro malo, en cas de
doute, envisage le pire !
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Cette couverture de la revue La Décroissance suggère que tous les partis politiques sont au service d'une technologie mortifère présentée sous ls forme du robot apocalyptique Terminator |
Les récits qui
attireront l’attention du public sur les coûts plutôt que sur les bénéfices
d’un phénomène ou qui proposeront une narration fondée sur l’heuristique de la
peur, pourront bénéficier de notre inaptitude partagée à concevoir
raisonnablement le risque ». Le succès notamment de "l’effet papillon" (Edward Lorenz), ou de "l’hypothèse Gaïa" (James Lovelock) a contribué à l’hypothèse du pire et la rhétorique de l’intimidation.
Mais le story-telling du pire dominant,
n’a pas seulement pour conséquence de désespérer le présent, elle prend aussi
le risque de corrompre le futur. Avec une emprise telle que certains sont prêts « à enserrer le moindre de
nos actes dans un appareil de contraintes et de recommandations ». Une "gangue verte" qui conduit à une "politique de la tétanie".
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Cette autre couverture de La Décroissance suggère que nous sommes rendus esclaves par la consommation et que nous pourrions être plus heureux si seulement nous acceptions d'être pauvres. |
Pourtant, si la survie de
l’espèce humaine est bien l’alpha et l’oméga de toute considération éthique,
alors il faut, selon l’auteur, prendre en compte absolument et définitivement
cette idée : « s’il est vrai que dans certains mondes possibles
l’humanité disparaît en raison de son action technologique inconséquente, il
est plus vrai encore qu’elle disparaît de tous les mondes possibles dans un
milliard d’années sans solution technologique pour sa survie ».
Avec cette question : "qui
peut dire laquelle des explorations scientifiques d’aujourd’hui sera le
lointain marchepied de la sauvegarde technologique de demain, d’après demain ?
Dans ce domaine, bâillonner le présent, c’est désespérer le futur ».
Un ouvrage salutaire et
courageux, solidement argumenté et rendu abordable par de nombreux exemples et
illustrations.
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