Européennes : nouvel épisode de confusion pour le Front de gauche

Une échéance électorale chasse l’autre, les Européennes de mai suivent les Municipales d’avril. A peine le temps d’approfondir les analyses des premières, s’engage-t-on dans la campagne des suivantes, dans la précipitation forcée et avec des ambiguïtés non levées.

Alors que la campagne des municipales s’est plutôt mal passée entre les partenaires du Front de gauche, principalement PG (Parti de Gauche de J-L Mélenchon) et PCF, les Européennes viennent de faire l’objet d’un rabibochage opportuniste de dernière minute

Un Appel de 26 secrétaires départementaux du PCF – dont celui de Loire Atlantique, A.Seassau - critique l’accord passé entre leur parti et le PG. Encore ne s’agit-il pour eux que de la désignation des têtes de listes Front de Gauche dans les 7 grandes régions du scrutin. On peut partager leur appréciation d’un accord qui apparaît comme une nouvelle "humiliation" pour le PC, faisant au nom de la parité partidaire, la part vraiment trop belle au PG et à ses dirigeants. Pourtant, selon la direction nationale du PCF, il faudrait l’admettre et s’y résigner, sous prétexte que, « pour sauver le Front de gauche, il ne peut pas être fait autrement ». [1][2][3]

Le programme du Front de gauche pour  ces Européennes « Rompre et refonder l’Europe »  comporte, quant à lui, trois parties. 1) Un diagnostic critique de l’Europe telle qu’elle va, « l’Union européenne est en crise », avec lequel on ne peut évidemment qu’être d’accord ; 2) une seconde partie dont le thème est « désobéir et rompre avec les traités », où on reconnaît les orientations du PG ; 3) puis une troisième, « refonder l’Europe », qui reprend l’essentiel, au delà de son titre, du contenu des travaux du comité national du PCF du 7 novembre 2013.  

Au final, un "copier coller" sans grande cohérence ni véritable unité, qui fait manifestement l’impasse sur la question clé de l’Euro et celle, polémique mais essentielle, de la sortie de l’Euro. Une question qui faute d’être envisagée de sang froid, risque de plus en plus de se poser bientôt en catastrophe, le dos au mur, avec plus de conséquences négatives que positives.

Et si, au-delà des choix tactiques pour ces Européennes, le problème n’était-il pas fondamentalement le Front de Gauche lui-même ? Combien faudra-t-il encore de scrutins pour qu’on reconnaisse que chacun est l’occasion d’une nouvelle perte d’élu(e)s, de villes, de positions et de points d’appui pour un PCF seul véritable porteur des aspirations populaires ? Jusqu’à ce qu’il disparaisse du paysage politique ? Un processus d’ailleurs déjà bien engagé dans les médias où, quand il s’agit de Front de gauche, on ne voit plus que Mélenchon ? Si cette disparition est l’objectif plus ou moins avoué de la plupart des partenaires du PCF dans cette affaire, le plus étonnant est que certains communistes eux-mêmes prétendent, encore et toujours, que « si ça ne marche pas » c’est, en fait, parce qu’il n’y aurait « pas encore assez de Front de gauche ».  Moyennant quoi, ils préconisent illico le passage à l’adhésion directe au Front de gauche, sans passer par la case appartenance à l’un de ses membres.

Pour moi - adhérent au parti communiste, sans discontinuer, depuis 1968 - la question est et reste donc, aujourd’hui plus que jamais, la suivante : y a-t-il encore une place et une utilité pour le PCF dans la situation politique actuelle en France et en Europe ? Je garde la conviction que oui, avec la certitude confirmée et renforcée que le Front de Gauche ne va pas du tout dans ce sens là.

NOTES : mises à jour.

[1] C'est seulement entre parenthèses, et niché à l'intérieur d'une question au rapporteur P.Savoldelli, dans "CommunisteS" supplément à l'Humanité du 16  avril, page 11, qu'on apprend que le vote du Comité national [CN} sur cet accord a donné : 77 pour, 18 contre, 9 abstentions, dans un CN qui compte 160 membres depuis février 2013. 

[2] Avant, les débats du Comité national (CN) du PCF faisaient l'objet d'une publication synthétique mais intégrale, dans CommunisteS, supplément hebdomadaire à l'HumanitéMais, ... c'était avant ! Ensuite il a fallu aller consulter ces comptes-rendus sur le site national du PCF. Aujourd'hui, suite à ce CN du 11 avril, rien à ce jour. Difficile de prétendre que c'est conforme à la démocratie et à la transparence, et que ça respecte pleinement la souveraineté des communistes. Et que dire alors d'une consultation organisée, dans la précipitation, à  ce sujet ?
[3Finalement, si ! La discussion est en ligne, depuis ce jour, 16 avril, vers midi : CN du 11 avril - Discussion. Elle montre que rien n'est simple et que la stratégie de FdG, loin d'être un long fleuve tranquille, pose de multiples questions, mais, encore une fois, différées à plus tard. 

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