
Cette intelligence faite de
principes, d’arguments, de convictions, d’une faculté de juger qui passe
souvent par le sensible, est à la fois ferme et diffuse. Il y a certes les
grands ténors, grands orateurs des assemblées et des clubs qui ont ici la part
belle, mais aussi les grands journalistes, et toute une myriade de
porte-paroles qui débattent localement et envoient des adresses, des pétitions,
des couplets, des poèmes à l’Assemblée, "sanctuaire de la fabrique des
lois".
C’est cette variété des manières
d’intervenir dans le débat public que l’auteur a choisi de montrer, à l’heure
où cette multiplicité existe à nouveau dans l’espace virtuel mais sans
connaître d’institutionnalisation dans la vie politique réelle, celle qui
conduit effectivement à la fabrique des lois.
A travers ces textes, Sophie
Wahnich confronte les grands débats de la Révolution française avec ceux
d’aujourd’hui. Elle rappelle par exemple que, pour les révolutionnaires,
l’égalité n’est qu’une expression de la liberté réciproque. Autrement dit, la
liberté s’arrête là où commence celle d’autrui. Une conception communément
admise qui entre pourtant en profonde contradiction avec la vision capitaliste d’une
liberté illimitée, de facto incompatible avec l’égalité.
En mobilisant la pensée
révolutionnaire, Sophie Wahnich éclaire aussi les questions d’exclusion
politique et sociale, les enjeux de l’émeute populaire comme outil et comme
droit nécessaire dans la résistance à l’oppression, ainsi que les intrications
entre liberté de conscience, conscience publique et laïcité. Elle compose ainsi
comme un bréviaire du révolutionnaire, salutaire et étonnamment moderne.
* Sophie Wahnich est directrice
de recherche au CNRS, IIAC/Tram (Transformation radicale des mondes
contemporains) en histoire et science politique. Elle a notamment publié Les
Emotions, la Révolution française et le présent (éditions du CNRS, 2009) ;
L’Impossible Citoyen, l’étranger dans le discours de la Révolution française
(Albin Michel, 1997, 2010) ; La Longue Patience du peuple, 1792, naissance
de la République (Payot, 2008).
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