Urbanisme : "Le secteur périurbain a du potentiel"


Le chercheur Laurent Devisme intervenait le 9 octobre en colloque à St-Aignan-de-Grand-lieu.

BIO EXPRESS
Laurent Devisme*, 50 ans, est enseignant-chercheur, directeur de laboratoire à l’école d’architecture de Nantes.
La métropole nantaise va-t-elle continuer de s’étendre ? Laurent Devisme bouscule les idées reçues sur l’urbanisme.

Presse Océan du mercredi 10 octobre 2012 page 2.

Qu’appelez-vous des espaces périurbains ?
Laurent Devisme : « Des secteurs sous l’influence de l’urbain : l’Erdre et Gesvres, le Vignoble, Loire et Sillon… Ces territoires ne sont ni la campagne, ni la ville. Ils ont pourtant une identité, des projets qui leur sont propres. Dépoussiérons notre regard sur ces secteurs ».

Ont-ils la cote ?
Laurent Devisme : « On les voit comme décors de séries télévisées telle "Desperate Housewives". Dans les années 1970, ils étaient valorisés : la maison individuelle se développait. Ce modèle pavillonnaire a laissé des traces Nous assistons aujourd’hui a leur "customisation" : ils n’ont jamais été aussi homogènes. »

La métropole nantaise va-t-elle continuer de s’étendre ?
Laurent Devisme : « Choisir sa résidence n’est pas une décision que l’on prend à la légère. Habiter, c’est lié à des valeurs, à l’idée que l’on se fait d’un environnement et d’un cadre de vie plus ou moins mythifiés. La démographie va continuer de progresser. Le foncier restera un enjeu important. Des zones intermédiaires entre Nantes et Rennes, Cholet, Angers, Saint Nazaire, vont se développer… Ces périmètres seront de véritables enjeux politiques ».

Cet étalement urbain est-il risqué ?
Laurent Devisme : « Il représente une menace pour certains : gaspillage des terres, développement de l’usage de la voiture… Nous pouvons aborder la problématique différemment. Prenons le tram-train : l’urbanisme peut être anticipé avec des services distribués autour des gares Avec un maillage pertinent, une ville se développe sur ses polarités ».

L’éco-quartier est-il l’avenir ?
Laurent Devisme : « Il prévaut aujourd’hui… comme les ZUP en leur temps. Évitons les jugements définitifs. Des modèles sont à inventer pour les zones périurbaines. On ne mesure pas tout leur potentiel. Elles ont une diversité de trajectoires d’urbanisation possible ».

La métropole nantaise peut-elle être densifiée ?
Laurent Devisme : « Elle a des réserves foncières. Mais il faut regarder la composition sociologique des communes, leur accessibilité à la ville-centre. Tout dépend aussi des pressions qui s’exercent sur le territoire. Face à un développement des constructions, des riverains peuvent avoir la tentation de la "pause". Ces groupes de pression font bouger les décisions politiques. Le contentieux a pris de la place dans l’urbanisme. Nous ne sommes plus dans la période des "villes nouvelles" où ces questions ne se posaient pas ».

Les décideurs politiques ont-ils des leviers d’action ?
Laurent Devisme : « Pas complètement. Les municipalités ont leurs plans locaux d’urbanisme (PLU). Mais est-ce la bonne échelle ? L’autorité des agglomérations et des intercommunalités doit se renforcer ».

Comment expliquez-vous la grogne des riverains, comme à Saint-Herblain, face à la densification ?
Laurent Devisme : « Nous avons tendance à nous référer à une époque révolue : le village. On parle du "bourg" de Saint-Herblain … dans une ville qui atteint 44.000 habitants. On perçoit mal l’ensemble. La municipalité développe des démarches pédagogiques : qu’est-ce que la ville ? Les formes collectives sont aussi dédiabolisées avec la rénovation du Sillon de Bretagne. Ces formes d’habitat sont progressivement réhabilitées ».
 
Emmanuel Vautier

*Enseignant-chercheur à l’École nationale supérieure d’architecture de Nantes, directeur du laboratoire Langages, actions urbaines, altérités (Laua), Laurent Devisme  dirige par ailleurs plusieurs programmes scientifiques portant sur l’urbanisme des espaces contemporains et le périurbain. Il est membre du comité de rédaction des Annales de la recherche urbaine et du comité de lecture des Cahiers de la recherche architecturale et urbaine. Il se qualifie volontiers d’urbanologue et ses travaux portent principalement sur les logiques de l’urbain et les pratiques de transformation spatiale. Il a notamment publié La ville décentrée. Figures centrales à l’épreuve des dynamiques urbaines (Paris, Harmattan, 2005) et dirigé l’ouvrage collectif Nantes, petite et grande fabrique urbaine (Marseille, Parenthèses, 2009).

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