Le 13 mars, le LEM (Lieu
d’étude du mouvement des idées et des connaissances PCF) recevait l’économiste
Jacques Sapir sur l’enjeu européen.
Échos de sa présentation et du débat qui suivit.
Jacques Sapir : Si les sommes extraordinaires réinjectées dans le système bancaire par la BCE ont eu pour effet de détendre les taux d’intérêt, ces derniers ne sont pas pour autant redescendus à leur niveau d’avant la crise, mais à celui de l’été 2011.
Il ne faut pas s’y tromper: la Grèce est bel et bien en défaut et, si le mot n’est jamais prononcé, les banques l’ont intégré. Ce défaut organisé n’a rien réglé des problèmes de fond.
Les auditions du Lem - Jacques Sapir - La crise... par LEMpcf
Selon J. Sapir, la contraction du PIB va passer de 5 % fin 2011 à 8 ou 9 % en avril ou mai. L’économie grecque, en partie arrêtée, en partie émigrée, ne permet pas de compter sur les recettes fiscales ; l’austérité, en brisant la consommation, appauvrit un Etat qui ne peut, sous la pression de la Troïka, que renforcer l’austérité. L’intervention de la BCE, en pratique, ne fait que profiter aux banques ; si cela a pu ralentir la crise, rien n’a été solutionné.
Extrait de "CommunisteS" du mercredi 28 mars, supplément à l'Humanité.
Échos de sa présentation et du débat qui suivit.
Jacques Sapir : Si les sommes extraordinaires réinjectées dans le système bancaire par la BCE ont eu pour effet de détendre les taux d’intérêt, ces derniers ne sont pas pour autant redescendus à leur niveau d’avant la crise, mais à celui de l’été 2011.
Il ne faut pas s’y tromper: la Grèce est bel et bien en défaut et, si le mot n’est jamais prononcé, les banques l’ont intégré. Ce défaut organisé n’a rien réglé des problèmes de fond.
Les auditions du Lem - Jacques Sapir - La crise... par LEMpcf
Selon J. Sapir, la contraction du PIB va passer de 5 % fin 2011 à 8 ou 9 % en avril ou mai. L’économie grecque, en partie arrêtée, en partie émigrée, ne permet pas de compter sur les recettes fiscales ; l’austérité, en brisant la consommation, appauvrit un Etat qui ne peut, sous la pression de la Troïka, que renforcer l’austérité. L’intervention de la BCE, en pratique, ne fait que profiter aux banques ; si cela a pu ralentir la crise, rien n’a été solutionné.
Après la Grèce, l’Espagne, le Portugal puis l’Italie sont menacés.
L’Espagne a des arriérés de paiement. Ou elle les consolide, et le déficit
budgétaire passe de 6 à 14-15 % du PIB, ou elle ne les consolide pas. Dans
cette dernière hypothèse, les entreprises non payées par l’Etat ne payeront pas
leurs fournisseurs, qui feront faillite. Dès juin ou juillet, les recettes
fiscales peuvent s’effondrer et avec elles l’économie du pays.
C’est le même sort qui attend le Portugal : le déficit portugais
est plus important que l’espagnol, et les deux économies sont interdépendantes.
Si l’Espagne tombe, le Portugal suit, selon J.Sapir. Le sort de l’Italie
dépend des taux d’intérêt : avec une
dette de 126 % du PIB, un taux de 5 % revient à payer 6 % du PIB par an. La
crise ne fait que souligner les défaillances structurelles de la zone
euro. Au premier rang, il faut souligner la divergence parfois
très forte des compétitivités de la zone ; cela s’accentue mécaniquement s’il n’y a pas de transferts budgétaires d’un pays à l’autre. Or,
ces transferts ne sont pas à l’ordre du jour.
D’une manière générale, l’économiste souligne que les pays de la
zone euro ont une croissance plus faible que les autres et, au sein même de la zone, ceux qui s’en sortent le mieux sont aussi ceux
qui contournent les règles (soutien économique aux entreprises via des niches fiscales...). Mais leur croissance reste faible.
L’austérité généralisée mène à la récession de la zone euro.
L’ Allemagne, pays dont l’économie est plus solide, n’est pas prête à se sacrifier pour sauver l’ensemble de la région.
Dans ce contexte, pour Sapir, la zone euro ne peut qu’éclater : la
Grèce, dit-il, va abandonner l’euro probablement entre l’été prochain et fin 2013. La crise, mais aussi la perte de
crédibilité de la zone vont encore fragiliser les autres pays. Le risque est le phénomène de contagion : après la Grèce, ce
pourrait être le tour du Portugal, puis de l’Espagne. Pour Jacques Sapir, les choix sont limités : une récession a priori
illimitée et sans garantie de résultat ; le démantèlement
désordonné; le démantèlement ordonné. Ce dernier choix est, selon
lui, le seul qui permettrait de sauvegarder quelques acquis, dont un fondamental : la
coordination monétaire. L’explosion de la zone euro est inéluctable.
La seule question qui se pose est de savoir, dit-il, si nous
parviendrons à conserver des accords permettant d’échapper à une guerre des monnaies. Et le seul moyen d’y échapper, c’est une
dissolution ordonnée.
Des réponses qui font débat
Des réponses qui font débat
Si le diagnostic de Jacques Sapir fait consensus, les réponses
font débat. Pour Frédéric Boccara et Yves Dimicoli, il importe de revoir en
profondeur le rôle des institutions européennes, en particulier la BCE, pour
corriger les défaillances structurelles de la zone. Jacques Sapir considère que
ces réformes, si elles sont justes sur le fond, ne sont pas applicables assez
rapidement : le laps de temps très court – quelques mois – nécessite une
réaction très rapide. A quoi il a été objecté que la sortie concertée de la
zone n’était pas nécessairement plus rapide : les accords, les négociations à
mener pour sauvegarder la coordination monétaire et préserver les pays de la
spéculation sur les monnaies sont trop complexes pour permettre une action très
réactive sans négliger qu’une sortie de l’euro pourrait alimenter des
nationalismes. En outre, se pose la question de la légitimité de la prise de
décision : dans un cas, elle reposerait sur un ensemble élitiste (experts,
dirigeants politiques) ; dans l’autre, elle serait le fruit d’un rapport de
force dont le peuple serait partie prenante.
Dans cette configuration, les idées que le Front de gauche porte
au débat, en trouvant une résonance populaire, peuvent permettre non seulement
au peuple d’être le moteur d’une modification nécessaire du système européen, mais
encore de se réapproprier sa construction.
Nina Léger, collaboratrice au LEM
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