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La Terre : Certaines installation d’assainissement non collectif (ANC) ont déjà été contrôlées une fois, voire plusieurs, et d’autres pas du tout. Pourquoi ?
Le point sur les abus des SPANC et comment les prévenir selon la
CLCV (Confédération de Consommation, du logement et du cadre de vie).
La Terre : Certaines installation d’assainissement non collectif (ANC) ont déjà été contrôlées une fois, voire plusieurs, et d’autres pas du tout. Pourquoi ?
Stéphane Bernhard :
Certaines communes ont été plus rapides que d’autres pour créer
leur service public d’assainissement non collectif (SPANC). C’est ce qui
explique les disparités constatées sur le terrain. Pourtant il existe une date
butoir, le 31 décembre 2012, à laquelle toutes les installations devront avoir
été contrôlées au moins une fois. A priori, ce sera difficile...
Comment expliquer le retard de certaines communes ?
Le sujet est conflictuel. Pendant des années on n’a rien dit aux
gens sur l’assainissement, on ne leur a jamais parlé de contrôle ni de
réhabilitation. Pour eux, c’est une contrainte de plus. Du coup, certains élus
n’ont pas envie de se fâcher avec leurs électeurs et ils ne se pressent pas
pour mettre en place le SPANC... même si l’obligation date de 1992.
Toute installation non conforme doit-elle être
modifiée ?
La loi « Grenelle II » est très claire : il ne
peut y avoir réhabilitation que s’il existe un danger sanitaire ou un risque
environnemental avéré. Donc le SPANC, lorsqu’il prescrit une réhabilitation,
doit la justifier. A la campagne il y a beaucoup de fosses septiques un peu
vieillissantes, mais qui fonctionnent à peu près. Elles ne sont pas parfaites,
mais il y a un sol qui permet d’absorber le flux de pollution. On peut aussi
évoquer le cas des résidences secondaires, qui ne sont pas habitées à l’année,
ce qui diminue d’autant la charge polluante. Or on a quand même l’impression
d’un lobbying des professionnels pour réhabiliter à tout va, parce que cela
représente un gros marché. Ce qui nous ennuie, c’est que la pollution due aux
ANC ne représente pas grand-chose : à peine 5 % de l’ensemble des
pollutions diffuses. Avant, il y a les pollutions industrielles et agricoles,
il y a aussi des assainissements collectifs qui ne sont pas aux normes - soit
qu’il n’y a pas de station d’épuration, soit qu’elle fonctionne mal. Peut-être
devrait-on commencer par régler les problèmes les plus urgents, et ensuite
s’occuper de la petite fosse septique qui ne fonctionne pas ? La règle devrait
être de ne prescrire de réhabilitation que dans des cas exceptionnels : si
on est dans une zone humide, dans une zone de baignade, ou en cas de risque
particulier. Sur certains SPANC, les taux de réhabilitation atteignent 70 %,
voire 80 % : c’est énorme !
... Est-ce à dire que les multinationales de l’eau et de
l’environnement poussent à la roue ?
On peut en effet le dire. Un SPANC peut être géré en régie
directe par la collectivité concernée ou délégué à une société privée. Dans ce
cas on retrouve les grands distributeurs d’eau : Veolia, Saur et Suez. Et
on se rend compte que ces sociétés peuvent être tentées d’avoir la main lourde.
C’est que derrière, il y a le marché de la réhabilitation : un système
classique avec fosse « toutes eaux » et champ d’épandage revient à
environ 10 000 euros, tandis que les micro-stations coûtent un peu moins cher.
Mais cela reste une dépense conséquente alors que dans bien des cas, on se
demande si le jeu en vaut la chandelle.
Est-ce aussi ce qui explique les différences de coût des
contrôles ?
L’enquête que nous avions menée sur le sujet voilà un peu plus
d’un an nous avait montré que la différence peut aller de un à huit ! Et
il y a aussi la fréquence des contrôles. Initialement, la loi prévoyait un
délai de huit ans entre deux contrôles - délai qui a été porté à dix ans par la
loi « Grenelle II ». Pourtant, on s’aperçoit que la plupart des SPANC
ont une fréquence de contrôle de quatre ans. Pour quoi faire ? On voit de
tout : des contrôles à 50 euros, d’autres à 200 euros voire plus... Il
faudrait arriver à des contrôles qui ne dépassent pas 100 euros. Parce que 150
euros pour un coup d’œil de cinq minutes, c’est un peu fort de café - même si
derrière il y a un travail de rédaction du rapport de contrôle.
L’opérateur a-t-il le droit de couper la fourniture d’eau
en cas de non paiement du contrôle ?
C’est arrivé une ou deux fois et c’est parfaitement scandaleux.
C’est le cas de figure ou le délégataire du SPANC est aussi le distributeur
d’eau de la commune : généralement, le coût du contrôle est perçu sur la
facture d’eau... et ils s’en servent comme moyen de pression, alors qu’il
s’agit d’une prestation totalement indépendante. C’est parfaitement illégal. Il
y a aussi des SPANC qui perçoivent la redevance avant que le contrôle soit
effectué : c’est tout aussi illégal, la redevance ne peut être perçue
qu’une fois le contrôle effectué. Heureusement, il y a peu de cas.
La CLCV a mis en place une coordination nationale sur le
sujet : pourquoi ?
Beaucoup d’associations se sont créées, dans toute la France, sur
ce sujet spécifique. Elles manquent parfois un peu d’expertise, sur le plan
juridique notamment. L’idée est donc de structurer et de soutenir ce mouvement
de protestation. La coordination regroupe actuellement une quinzaine d’associations
et ne cesse de s’élargir. Rappelons que le contrôle est légal, et que nous ne
recommandons pas du tout de le refuser. Mais il existe des « points de
vigilance », notamment sur la concertation pour expliquer aux gens la
démarche du SPANC, le coût du contrôle et sa fréquence, la prise en compte des
droits des usagers dans le règlement de service, et la politique de
réhabilitation qui, sauf exception, doit être modérée et s’en tenir aux
prescriptions légales. Pas question de réhabiliter quand ce n’est pas
nécessaire. Il s’agit de veiller à l’intérêt général, non de remplir les
caisses de certaines entreprises qui ont intérêt à réhabiliter à tour de bras.
Propos recueillis par Olivier Chartrain
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