"La Voie" d’Edgar Morin

Pour l’avenir de l’humanité

Edgar Morin nous avertit : ce livre, aux accents testamentaires, est la première version en forme de texte d’orientation qui rassemble pour un second volume - au dessus de ses forces - les éléments d’une « sorte d’encyclopédie inachevée et destinée à le rester (…) de la somme des initiatives créatrices et porteuses d’avenir ».  Il réunit le dispersé ("Sparsa colligo") sur l’immensité des domaines traités par les diverses "voies". Ce qu’expose ce livre, c’est « la recherche d’une voie susceptible de sauver l’humanité des désastres qui la menacent ».
Aucune illusion prophétique cependant, car l’auteur se dit « conscient que la possibilité de changer de voie est de plus en plus improbable ». Il précise même : « aujourd’hui, je sens qu’un printemps aspire à naître. Mais je sens aussi qu’un regel s’annonce pour l’anéantir avant qu’il ne voie le jour. Je pressens donc que l’improbable, auquel je me voue, risque fort de devenir impossible. Mais, même si le Titanic fait naufrage, peut-être une bouteille jetée à la mer parviendra-t-elle sur le rivage d’un monde où tout serait à recommencer. Nul ne sait jamais si et quand il est trop tard ». 
Pour Edgar Morin, notre époque devrait être, comme et davantage encore que la Renaissance, l’occasion d’une reproblématisation généralisée : « Tout est à repenser. Tout est à commencer ». En fait, tout a déjà commencé, mais sans qu’on le sache. « Nous en sommes au stade de préliminaires modestes, invisibles, marginaux, dispersés. Il existe déjà sur tous les continents, en toutes les nations, des bouillonnements créatifs, une multitude d’initiatives locales dans le sens de la régénération économique, ou sociale, ou politique, ou cognitive, ou éducationnelle, ou éthique, ou existentielle. Ces initiatives ne se connaissent pas les unes et autre, nulle administration ne les dénombre, nul parti n’en prend connaissance. Mais elles sont le vivier du futur. Il s’agit de les reconnaître, de les recenser, de la collationner, de les répertorier, d’ouvrir une pluralité de chemins réformateurs ». Car, estime-t-il, ces voies multiples, en se développant conjointement, pourront se conjuguer  pour former la Voie nouvelle, qui décomposera la voie que nous suivons et nous dirigera vers une véritable Métamorphose encore largement inconcevable et invisible. Elle sera bel et bien une nouvelle origine.
Pour lui, il ne suffit plus de dénoncer, il faut désormais énoncer. Il ne suffit pas de rappeler l’urgence, il faut savoir commencer en élaborant le message qui indique que la Voie est en cours d’élaboration. C’est ce à quoi ce livre s’efforce de contribuer. Rassemblant des éléments d’ouvrages précédents et y ajoutant des réflexions nouvelles, il aborde successivement les politiques de l’humanité, les réformes de la pensée et de l’éducation, les réformes de société et celles de la vie.
A l’issue de ce tour d’horizon, Edgar Morin conclut : « L’espérance semble morte. Les vieilles générations sont désabusées par les fausses promesses et les faux espoirs. Les jeunes générations sont plongées dans le désarroi. Aujourd’hui, la cause est sans équivoque : il s’agit bel et bien de sauver l’humanité. L’espérance est ressuscitée au cœur même de la désespérance. L’espérance n’est pas synonyme d’illusion. L’espérance vraie sait qu’elle n’est pas certitude, mais elle sait qu’elle peut se frayer un chemin en marchant. L’espérance sait que le salut par la métamorphose, bien qu’improbable, n’est pas impossible ».
Une lecture évidemment essentielle.
E.Morin, « La Voie, Pour l’avenir de l’humanité », Fayard, 2011, 312 p., 19 €

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