Le jour, toujours un peu froid et maussade, où l’on se souvient de 14-18
Ce jeudi, c’est le 11 Novembre. Au-delà du retour conventionnel de la célébration de l’armistice de 1918, il convient de rappeler que le caractère férié de la date a été imposé par les anciens combattants eux-mêmes à la sortie de la guerre (1922) alors que les pouvoirs publics entendaient reléguer sa célébration au dimanche suivant. C’est que, pour ces millions d’hommes tout juste sortis du conflit, la date n’était pas la seule célébration de la victoire. Elle devait rappeler avec force le poids de la mort sur leur génération, sauver dans les mémoires les camarades disparus dans la tourmente. Les anciens combattants de 14-18 ne cesseront de le redire, contre l’« oubli » qui guette, il faut toujours stimuler le « souvenir », qui n’était pas encore la « mémoire ».
C’est sans doute pour cela que je reste attaché, comme historien de cette guerre, à ce que le 11 Novembre reste un moment calendaire d’importance. J’aime ce temps, toujours un peu froid et maussade, où l’on se rappelle 14-18. De fait, jusqu’à nos jours, il est l’occasion d’un déploiement d’activités mémorielles d’importance inégale selon les années, mais toujours consistant. Si l’on veut garder à la date une résonance contemporaine, il apparaît cependant nécessaire de moderniser rapidement les formes des commémorations officielles, avec l’aide du cinéma, du Web et d’autres médias. À l’évidence, le regard de l’historien impose aussi de la distance, tout comme notre présent ne peut ramasser le passé, comme un prêt-à-servir. Mais il faut maintenir un lien avec les propos sur les soldats disparus, que tenait l’écrivain Roland Dorgelès, combattant et auteur des Croix de bois : « Il ne faut pas les oublier. Dire seulement leur nom, c’est les défendre, c’est les sauver. Camarades de régiment, quand vous vous retrouvez, parlez des morts, parlez-en librement, sans tristesse, comme s’ils étaient encore vivants, et qu’on dût le soir, arrivant au repos, retrouver leur sourire à l’entrée de la grange… »
Nicolas Offenstadt
Historien, maître de conférences à l'université de Paris-I.
Invité de l'Humanité
Lire également L'histoire bling-bling sur Médiapart
"L’histoire bling-bling est une histoire de consommateurs, pas une histoire de citoyens. L’histoire bling-bling brille mais n’éclaire pas".
Ce jeudi, c’est le 11 Novembre. Au-delà du retour conventionnel de la célébration de l’armistice de 1918, il convient de rappeler que le caractère férié de la date a été imposé par les anciens combattants eux-mêmes à la sortie de la guerre (1922) alors que les pouvoirs publics entendaient reléguer sa célébration au dimanche suivant. C’est que, pour ces millions d’hommes tout juste sortis du conflit, la date n’était pas la seule célébration de la victoire. Elle devait rappeler avec force le poids de la mort sur leur génération, sauver dans les mémoires les camarades disparus dans la tourmente. Les anciens combattants de 14-18 ne cesseront de le redire, contre l’« oubli » qui guette, il faut toujours stimuler le « souvenir », qui n’était pas encore la « mémoire ».
C’est sans doute pour cela que je reste attaché, comme historien de cette guerre, à ce que le 11 Novembre reste un moment calendaire d’importance. J’aime ce temps, toujours un peu froid et maussade, où l’on se rappelle 14-18. De fait, jusqu’à nos jours, il est l’occasion d’un déploiement d’activités mémorielles d’importance inégale selon les années, mais toujours consistant. Si l’on veut garder à la date une résonance contemporaine, il apparaît cependant nécessaire de moderniser rapidement les formes des commémorations officielles, avec l’aide du cinéma, du Web et d’autres médias. À l’évidence, le regard de l’historien impose aussi de la distance, tout comme notre présent ne peut ramasser le passé, comme un prêt-à-servir. Mais il faut maintenir un lien avec les propos sur les soldats disparus, que tenait l’écrivain Roland Dorgelès, combattant et auteur des Croix de bois : « Il ne faut pas les oublier. Dire seulement leur nom, c’est les défendre, c’est les sauver. Camarades de régiment, quand vous vous retrouvez, parlez des morts, parlez-en librement, sans tristesse, comme s’ils étaient encore vivants, et qu’on dût le soir, arrivant au repos, retrouver leur sourire à l’entrée de la grange… »
Nicolas Offenstadt
Historien, maître de conférences à l'université de Paris-I.
Invité de l'Humanité
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