La chambre des comptes de Nantes décrypte la gestion et la gouvernance d'Estuaire et Sillon (9 décembre 2022)



La Cour des comptes de Nantes Pays de la Loire passe au crible et fustige la gestion budgétaire - mais pas que - de l'intercommunalité d'Estuaire et Sillon depuis la "fusion" de 2017 de 11 communes entre Nantes et Saint-Nazaire, d'ex-Loire et Sillon (8 communes), et d'ex Cœur d'Estuaire (3 communes). Dans un rapport mis en ligne le 9 décembre, la chambre nantaise, au-delà de son langage convenu, pointe un certain nombre de manquements et dysfonctionnements. Quelques aperçus sur une douzaine de points précis, certains pas des moindres : la fusion inaboutie de 2017, le pacte de gouvernance, la compétence enfance jeunesse en crise organisationnelle, les outils stratégiques à la traîne, la dissémination géographique des services, une information budgétaire incomplète, le non-contrôle des régies, une "redevance (ex)incitative" financée à crédit; une gestion peu réglementaire des personnels; l'appréciation des conséquences de la fermeture de la centrale de Cordemais, et... l'arrachage de la Jussie ! Pour une lecture de ce rapport complet : ...

1) Une fusion "non-spontanée", "imposée par la loi, mais qui tarde à s'organiser" (p.3)

2) Un pacte de gouvernance," visant à organiser les relations entre les communes et leur intercommunalité" toujours en cours de construction (p.11)

3) Une compétence Enfance-Jeunesse à la "mise en œuvre non-probante qui connaît une crise organisationnelle": "le transfert de cette compétence n’a pas été accompagné d’une réflexion sur le nouveau périmètre de l’action du service et sur son impact en termes d’organisation. " (p.13)

4) Un retard dans le déploiement des outils stratégiques :  "la chambre rappelle à la CCES et à ses dirigeants que plus de six années se sont maintenant écoulées depuis sa création, et que seul le projet de gouvernance est aujourd’hui acté. En conséquence, les différents projets stratégiques doivent être finalisés rapidement", avant fin 2022 ! (p.15)

5) Une mutualisation des services à refaire : "la chambre souligne la nécessité de refonder le pacte de mutualisation et notamment la mise en place de services communs désormais à l’échelle de tout le territoire intercommunal." En élaborant un schéma de mutualisation avec les services, qui soit désormais en cohérence avec l’ensemble du périmètre territorial. (p.17).

6) Une dissémination des services  "non efficiente" appelant  une rationalisation géographique : "Un ensemble de services est proposé aux habitants d’Estuaire et Sillon (service emploi, Point Information Jeunesse, guichet habitat, permanence des partenaires, etc.) sans que ces derniers identifient la CCES comme pourvoyeuse de ces services". (p.18).


7) Une information financière incomplète : "la CCES ne satisfait pas aux prescriptions relatives à la mise en ligne par les collectivités territoriales et par leurs établissements publics de coopération de documents d’informations budgétaires et financières. Il n’existe pas sur le site internet de l’EPCI, de page dédiée regroupant tous les documents d’informations financières à destination des citoyens. Si la présence des ROB est avérée, en revanche les budgets primitifs, les comptes administratifs et les notes explicatives de synthèse qui doivent leur être annexées sont absents. Dès lors, la chambre invite l’EPCI à mettre en ligne l’ensemble des documents budgétaires et financiers sur son site internet". (p.21-22).

8) Le non contrôle des régies : "La chambre considère que l’activité de surveillance des régies instituées par l’EPCI a été manifestement insuffisante. Elle relève l’absence d’implication des services de l’ordonnateur en ce domaine, dans la mesure où l’établissement n’a effectué aucun contrôle de ses régies sur la période" 2017-2022 (p.26)

 9) Une redevance incitative à crédit en Cœur d'Estuaire, à rembourser : Cœur d’Estuaire a créé un budget annexe pour le service de collecte et de traitement des ordures ménagères financé par la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM), elle-même instaurée dès le 15 décembre 2009. avec une avance de trésorerie au budget général de 800.000 €. "La chambre recommande à la CCES de mettre en place, sans délai, un échéancier soutenable organisant les modalités de remboursement par le BA « Déchets » de l’avance de 700 000 € au budget principal". Tout en admettant "que la trésorerie au 31 décembre des trois derniers exercices du BA déchets semble ne pas permettre d’envisager un remboursement rapide de ladite avance" (29).

10) Les conséquences de la fermeture de la centrale dans le cadre du pacte charbon, charbon de Cordemais, impact salarial et fiscal. "Malgré une compensation par l’État, la probable fermeture complète de la centrale de Cordemais va entraîner des pertes de recettes fiscales pour la CCES mais touchera également le tissu économique. En effet, elle affectera 400 emplois directs, 400 emplois indirects (sous-traitants de rang 1) et environ 400 emplois induits. Dès lors, la politique d’investissement et les charges de fonctionnement inhérentes doivent bien évidemment être mise en perspective des pertes de recettes fiscales évaluées supra et plus particulièrement à l’horizon 2028, année où les compensations de l’État amorceront une décrue" (p.43)

11) Gestion des personnels, hausse des effectifs surtout par des contractuels : "Sur la période examinée (2017-2021), les effectifs de la CCES sont caractérisés par un profond renouvellement de près de la moitié des agents communautaires. Les emplois ont crû tant en matière budgétaire (+ 95 postes) qu’en matière d’effectifs pourvus (+ 37 ETPT) et ce, notamment en raison de la prise de compétence « Enfance-jeunesse » par l’EPCI au janvier 2019. La chambre constate une augmentation plus marquée des agents contractuels (+ 26 ETPT) de celle des titulaires (+ 11 ETPT). Par ailleurs, il ressort que la gestion des ressources humaines s’écarte sur divers points de la stricte application des dispositions règlementaires en vigueur" (p.50)

12) Analyse du marché d’arrachage de la Jussie, "une mauvaise qualification du besoin" (p.53) :   "La chambre s’étonne de la mauvaise qualification faite par le service de la commande publique, qui a permis de contourner les règles du code de la commande publique (CMP). La préfecture de Loire-Atlantique avait d’ailleurs alerté l’établissement sur ce point précis". 

Pour lire le rapport complet : https://www.ccomptes.fr/fr/documents/62547

Commentaires