Quels effets Covid en Estuaire et Sillon, périurbain nantais ?
Trois questions sur une conférence-débat au Lieu Unique le 8 avril à 18h. à Jean-Yves Martin, géographe
1 - Qu'est-ce que cet "Huma-Café" ? Ce rendez-vous mensuel des Amis de l’Humanité au Lieu Unique à Nantes s’inscrit dans une série des conférences-débats. Elles accueillent des invités de tous horizons, sur des questions de large actualité. Cette fois c’est un « périphérique » qui est invité dans ce haut-lieu de la centralité nantaise. En tant que géographe, auteur d’un livre dont Estuaire et Sillon est le terrain*. Le sous-titre en dit le projet : « audit participant d’un espace périurbain vécu ». Avec une dizaine de témoins, j’y fais une analyse géographique critique du territoire en tant qu’habitant depuis 40 ans, enseignant au lycée Prévert de Savenay jusqu’en 2006, ex-élu municipal et communautaire, militant local, politique et associatif. Mais, pas de chance : ce livre est sorti juste avant des élections municipales et communautaires de 2020, et à la veille du premier confinement ! Passés deux ans, c’est l’occasion d’en vérifier la pertinence post-Covid.
2 - Pourquoi le choix de ce sujet ? Les médias ont largement évoqué « l’exode urbain », le télétravail, les nouvelles mobilités, et même un certain « retour à la nature ». Ceci, comme pour le reste, dans une extrême confusion des mots et notions tels que ruralité, nature, campagne, rurbain, etc. Qu’en est-il vraiment du basculement urbain-rural ? Des études récentes, à l’échelle nationale ou départementale (AURAN), relativisent déjà les effets géo-sociologiques de l’épidémie. Elles accréditent plutôt l’idée que, sans créer de tendances nouvelles, la Covid n’a fait que souligner et accentuer des évolutions préexistantes. Et, au sortir de l’épidémie, faut-il dire « stop ou encore » au « ruissellement » métropolitain » (OF du 6 mars) ? Ou n’est-ce pas l’heure d’envisager plutôt des voies alternatives à la seule perpétuation des « métropoles barbares » (Faburel,2019) ?
3 - Comment allez-vous vous l'aborder ? D’abord par une approche paysagère, point de départ de tout "savoir penser l'espace" (Y. Lacoste, 1990), en considérant nos "paysages politiques" (id.) qui s'ignorent trop comme tels. Je les inscrits, pour ma part, dans le cadre hérité d'Henri Lefebvre (1901-1991), philosophe français marxiste, inventeur pionnier des notions de "Droit à la ville" (1968) et de "production de l'espace" (1974). De l’urbain au rural, qu'en est-il, non d’une ville diffuse dans la nature, mais d’une « révolution urbaine » s’achevant dans l'imbrication intime de la ville dans les campagnes ? On admet, enfin, que cette extension du domaine de l'urbain dans la périphérie métropolitaine, concerne, par exemple 140 communes sur 207 en Loire-Atlantique ! J’évoque ensuite la « gouvernance » du pouvoir intercommunal, nouvelle féodalité d’une élite locale restreinte sécessionniste d’avec ses propres citoyens. Enfin, loin du fantasme d’un bucolique « ordre éternel des champs », j’évoque les tensions persistantes en périurbain nantais : flagrante avec les Gilets jaunes en 2018-19, plus souvent rampantes avec les discrets sujets qui fâchent : vétusté du réseau téléphonique filaire Orange, desserte ADSL et déploiement inégal de la fibre optique, gestion problématique des déchets, surveillance de l’assainissement individuel, insécurité montante, etc. Ce qui pose plus globalement la question, comme partout ailleurs dans le monde, de l’advenir périphérique du capitalisme post-covid et de son issue.
*Paysages, pouvoir et colères du Sillon à l’Estuaire, Petit Pavé, 2020
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