L’angle de ce nouvel ouvrage de Julian Mischi est explicite dès son titre : il y est question du « parti des communistes », de ses dirigeants certes, mais de ses militants aux différentes périodes du 1er siècle du PCF. Au-delà de ceux qui l’ont pensé ou dirigé et dont on a retenu les noms, le Parti communiste français est aussi le fruit de l’engagement de nombreux syndicalistes, militants associatifs, femmes se revendiquant ou non du féminisme ou encore travailleurs immigrés investis dans les luttes anticoloniales. Cette histoire, qui commence au congrès de Tours en 1920 et traverse un siècle en France, est aussi la leur. Retraçant d’immenses espoirs et de profonds découragements, Julian Mischi, sociologue et politiste, fait le récit d’une tentative sans équivalent visant à rendre justice et donner leur place aux classes populaires.
Une histoire sociale de l’engagement communiste de 1920 à nos jours
Cette « histoire du Parti communiste français de 1920 à nos jours », qui commence au congrès de Tours en 1920 - bien qu’elle remonte aux racines de la révolution russe de 1917 - se veut une histoire « totale » qui ne raconte pas que les dirigeants officiels, les penseurs et les grands événements, mais aussi celles et ceux, plus invisibles, qui ont cru à l’idéal communiste et œuvré à son avènement. À travers l’histoire du Parti, ce livre balaie un siècle entier de l’histoire de France, des deux guerres mondiales au repli des années 1980 et à l’alliance menant au Front de gauche, en passant par le Front populaire, la Libération, la Guerre froide, les espoirs portés par les années 1960-1970 à travers l’Union de la gauche… Mais il s’intéresse aussi au pouvoir centralisé à Moscou, à l’échec de la construction d’un parti véritablement démocratique, à la volonté plus réalisée qu’ailleurs de promouvoir des ouvriers, des femmes ou des travailleurs immigrés, aux croisements avec les luttes et les mouvements sociaux de ce siècle, comme le féminisme radical ou les luttes anticoloniales, aux espoirs et aux désillusions de ceux qui, « compagnons de route », ont croisé son chemin.
Sommaire
1 – Fédérer des espoirs révolutionnaires : la naissance de la SFIC (1920)
2 – Les premiers communistes (début des années 20)
3 – La structuration d’un parti ouvrier (fin des années 20)
4 – Le Front populaire : ouverture républicaine et repli conservateur (années 30)
5 – D’organisation clandestine à premier parti de France (1939-1947)
6 – Le stalinisme à la française (années 50)
7 – Les espoirs d’un socialisme aux couleurs de la France (années 60-70)
8 – Un parti en crise (1980-2020)
La vraie ambivalence du PCF : Docteur militant et Mister conservateur
Selon son auteur :
Il manquait un ouvrage de synthèse sur l'histoire du mouvement communiste. Dans "Le parti des communistes", mon approche originale est de combiner l'histoire et la sociologie. Je mets l'accent sur les militants et sur un siècle d'engagement, en particulier celui des ouvriers et des femmes. En partant de l'engagement des communistes, je mets en évidence la caractère ambivalent qui structure l'organisation communiste. C'est à la fois un mouvement d'émancipation collective et individuelle, un outil de lutte contre l'exclusion politique des classes populaires et contre la domination patronale dans les entreprises. En même temps, c'est une institution faisant preuve de sectarisme qui a enfermé les militants dans un refus des divergences internes.Ces deux faces, positive et négative, ne suivent pas une simple lecture entre, d'un côté, une partie française liée au mouvement ouvrier et républicain du PCF et, de l'autre, une dimension internationale. C'est plus complexe.
Le parti intègre une politique républicaine familialiste et avance un discours d'aspect conservateur sur la grandeur de la France. En cherchant une certaine respectabilité pour ses militants d'origine populaire, le Parti a été conduit à un certain conservatisme dans ses propres modalités.
Les leçons à tirer de l'histoire du Parti communiste sont très actuelles, que ce soit sur la représentation politique des classes populaires, sur la solidarité internationale, sur l'articulation du combat syndical et politique".
L'huma du 1er octobre 2020 (Débat à la Bellevilloise).
Une synthèse localisée
L’ouvrage constitue une synthèse des travaux précédents de l’auteur : Servir la classe ouvrière. Sociabilités militantes au PCF (PUR, 2010), Le Communisme désarmé. Le PCF et les classes populaires depuis les années 1970 (Agone, 2014), Le Bourg et l’Atelier. Sociologie du combat syndical (Agone, 2016), avec une mise à jour au plus près des sources désormais accessibles et du renouveau historiographique sur le PCF à l’heure de son centenaire. L’auteur ne manque d’ailleurs pas de souligner dans ses remerciements que son « projet a été nourri de multiples rencontres avec des militantes et des militants de différents départements qui m’ont raconté leur parcours et ouvert leurs archives dès 1996, lorsque j’ai commencé mes recherches dans la région de Saint-Nazaire. Proposer une étude documentée et respectueuse de la complexité de l’engagement communiste en France, porteur d’émancipation mais aussi de cruelles désillusions, n’aurait pas été possible sans le souci de l’histoire et la politique d’ouverture des archives des responsables locaux et nationaux du PCF » (p.711)
L’ouvrage comporte des index des noms, des lieux et des thèmes, très utiles pour une consultation personnalisée et localisée.
Julian Mischi, Le parti des communistes : histoire du Parti communiste français de 1920 à nos jours, Hors d’atteinte, 2020, 720 pages, 24,50 €.
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