Rédigée par des "architectes, urbanistes, penseurs, citoyens", une tribune/pétition publiée sur un blog invité du site Médiapart *,
obtient la signature de quelques sommités de l'architecture, de
l'urbanisme (Thierry Paquot) et de la géographie (Michel Lussault).
L'abandon du
projet d'aéroport par le gouvernement Macron/Philippe/Hulot est
présenté comme une victoire. Le "fait du Prince" Macron, qui siffle une fin de partie contraire à
la volonté majoritaire de la population départementale
(consultation de juin 2016 : 55% pour le transfert)), est donc transformé en succès. Cette
tribune entend défendre "l'horizon joyeux" de cette "expérience d'avenir".
Or une lecture attentive et
critique de son texte montre cependant que - quelles que soient ses
bonnes intentions - elle témoigne d'une méconnaissance criante des
réalités socio-géographiques de la ZAD et de l'actualité récente
consécutive au renoncement du gouvernement. Une lecture à la mode bisounours, passablement éloignée des réalités.
- Un "territoire en commun" sous tension grandissante de ses divisions internes.
Quelques titres récents de la presse
locale, mieux informée que les médias nationaux sur le sujet, en
témoignent éloquemment :
- "NDDL : des tensions autour des terres" (Presse Océan du 22 février 2018)
- "La confusion règne au sein des anti-aéroport" (Ouest-France du 16 mars 2018)
- "Un air d'OK Corral sur la ZAD" (Presse Océan du 25 mars 2018, rubrique faits-divers)
- "Dans la ZAD, deux idéologies s'affrontent" (Ouest-France 30 mars 2018) [voir annexe]
- "Ex-ZAD : ces terres qui divisent" (Ouest-France 4 avril 2018) [idem]
Autant de signes
d'une "complexité de la situation" intra-ZAD que le
texte de la tribune/pétition se garde pourtant bien d'éclaicir un brin.
- Lefebvre, présent – absent.
Henri Lefebvre (HL)
dont on commémore les 50 ans du "Droit à la ville" (1968) est sollicité par et dans ce texte - sans toutefois le nommer
- par tout un vocabulaire : l'habiter, les représentations et
pratiques, les imaginaires. L'oxymore "vernaculaire
contemporain" est osé au risque de la contradiction :
l'urbanisme et l'architecture exemplaires de la ZAD serait donc du
"présent ancien" (sic). Le couple invoqué "métropoles" / "territoires ruraux et agricoles", réactive certes
l'ancienne dichotomie rural/urbain, mais d'une manière si bancale et
obsolète qu'elle ne peut en aucun cas s'inscrire dans la
bipolarisation centralité/périphérie pourtant caractéristique de la
métropolisation du capitalisme mondialisé contemporain.
Ici, ce n'est pas "le droit à la ville" (HL, 1968), mais celui au rural qui règne. On ne va pas "du rural à l'urbain" (HL, 1974), mais l'inverse. Ce n'est pas d'une "révolution urbaine" (HL, 1970) qu'il s'agit, mais de ce qui a tout l'air d'une rétro-évolution, par un retour à la nature et une campagne largement fantasmées. Si c'est une politique de l'espace (HL, 1972, tome 2 du Droit à la ville), c'est finalement celle d'une écologie de la décroissance, "des formes de vies plus sobres en énergie et en ressources" qui n'ose pas dire son nom ? Ce n'est plus la "production de l'espace" (HL, 1974) qui est envisagée, mais la petite fabrique d'un "horizon joyeux", "poétique" et "bidouillée", etc. L'espace réel environnant de la ZAD enclavée, le périurbain - espace vécu du plus grand nombre, est du même coup totalement zappé. La "victoire" de l'espace perçu (des imaginaires et des idéologies) sur l'espace conçu (des aménageurs, technocrates et décideurs) évacue complément l'espace vécu réel des habitants du périurbain avoisinant, dans lequel l'ex-ZAD était enclavée.
La question se
pose dès lors de savoir si la ZAD, au-delà du "détournement
d'espace" qu'elle incarne, constitue un authentique "contre-espace", deux
hypothèses déjà envisagées, en son temps, par Henri Lefebvre (in : La
production de l'espace, 1974, p.423)
Quant aux
"cabanes en bois dans les arbres" jugées si
novatrices, on peut avantageusement leur préférer, en estuarien et
métropolitain assumé, les œuvres hors-ZAD pérennes de Kadashi
Kawamata, tel que l'observatoire de l'Estuaire à Lavau-sur-Loire et -
à venir en 2019 - le promontoire de l'Île Saint-Anne à Nantes.
* Pour lire le texte
complet de la Tribune pétition :
https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/060418/comme-la-zad-de-notre-dame-des-landes-defendons-dautres-manieres-d-habiter
Annexes : cliquez sur les images pour les ouvrir en format lisible
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