Presse Océan & NDDL : "Qui se sent morveux, qu'il se mouche.*"

 * Molière, L'Avare, I,3


Aujourd'hui, Presse Océan, dans son dossier Le fait du jour, veut nous convaincre que toutes ces dernières années, le journal aurait eu un comportement « objectif » et équilibré sur le dossier de NDDL. Dans son éditorial (voir ci-dessous), Jérôme Glaise y voit rétrospectivement « un exercice très périlleux ». Mais il affirme que « s'il y a bien un principe que nous avons toujours essayé d'appliquer en suivant ce dossier NDDL, à Presse Océan, c'est celui de l'équité et de l'équilibre dans le traitement de l'information » !

La preuve ? Une sélection d'une quinzaine de titres de Une (« 15 ans de rebondissements à la une de PO », ci-dessus), un par an, censé montrer cet équilibre impartial. Mais des titres de Une sélectionnés y suffisent-ils ? Depuis 2000, par exemple des centaines d'affichettes devant les buralistes et les Points presse, ont pesé au quotidien sur l'appréciation des rebondissements du dossier, et bien au-delà des seuls lecteurs du journal.

Place Publique #57 juin 2016 (Couverture)
Il fallait vraiment observer l'affaire de loin pour prétendre, comme l'universitaire de Compiègne Clément Mabi, que : « Dans la presse traditionnelle le discours sur l'aéroport reste relativement officiel et plutôt dominé par les partisans du transfert » (in : Place Publique #57, mai-juin 2016, p.50). Il ajoute, « côté presse quotidienne régionale, au vu de son fonctionnement et de son cadrage éditorial, elle a plutôt tendance à traiter le sujet au "fil de l'eau" ». Selon lui, « la difficulté pour la presse régionale tient aussi à son positionnement : elle cherche plutôt le consensus politique en relatant les événements locaux, sans se vouloir journal d'opinion ». Grande candeur, car elle peut cependant peser sur l'opinion en contribuant à la fabrique d'un consensus orienté, jusqu'au consentement final à l’abandon du projet.

D'autres auront été moins hypocrites. Par exemple, Marc Le Duc et Jocelyne Rat, journalistes à Ouest-France, avec leur livre récent "Retour à Notre-Dame-des-Landes, portraits et reportages" (Le Temps, 2017) : un « livre de journalistes qui eurent à traiter de ce dossier à des moments différents, entre le début des années 2000 jusqu'à ce mois de juin 2016, depuis la relance du projet d'aéroport jusqu'à cette consultation instrumentalisée par le gouvernement », mais au résultat pourtant non ambiguë . Un livre répondant, précisent-ils, à « une proposition, une demande, une commande » des anti-aéroports, qui revient « sur ces années par des récits subjectifs, partisans, mais pas militants » (p.5; militance = comble de l'infamie !) Comment peut-on dès lors sérieusement croire qu'une telle orientation ultime - en forme de coming-out anti-aéroport - n'ait pas pesé dans leur traitement journalistique et rédactionnel du dossier, au jour le jour, depuis 20 ans ?

Revenons à Presse Océan, et je le dis en pesant mes mots, sur la base d'un constat de terrain au quotidien : Presse Océan a fortement contribué à influencer les représentations que tout un chacun pouvait se faire de l'évolution du dossier en faisant preuve d'une complaisance délibérément affichée en faveur des anti-aéroports. Même quand une info allait dans le sens de la réalisation du projet (par exemple, un des innombrables recours déboutés ou le scrutin pourtant « sans ambiguïté » de juin 2016), elle était automatiquement minimisée ou relativisée par des commentaires rédactionnels appropriés ou des réactions externes sélectionnées.

Aujourd'hui il est donc d'autant plus mal venu d'adopter in fine une posture "victimaire" (des "anti-médias"), comme le fait Presse Océan face aux mécontentements qui s'expriment à propos de son traitement du dossier depuis 15 ans, après l'abandon par « fait du prince », une victoire par défaut, du projet d'aéroport.



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