L'abandon de l'aéroport Grand Ouest : Fait du Prince contre Droit à la Ville

Quel sens attribuer  à ce renoncement ?

1 - L'abandon de l'AGO à NDDL par le gouvernement Macron - Philippe et Hulot :


a. Signe la fin de toute possibilité d'aménagement du territoire et/ou de tout grand "projet structurant", condamné d'avance comme GPII, “grand projet inutile imposé”. On connait bien ça en Loire Atlantique, successivement : Le Carnet, Donges-Est, franchissement de la Loire estuarienne entre Nantes et Saint-Nazaire, “virgule ferroviaire” de Savenay, et RN.165 à 2 fois 3 voies entre Savenay et Nantes en panne depuis les années 1990. A quoi s'ajoute la fermeture annoncée de la centrale de Cordemais, malgré son passage partiel à la biomasse.


b. Constitue un incontestable succès, inespéré car “fait du Prince” Macron, pour les zadistes et les anti-aéroport, avec un fort encouragement à d'autres “ZAD partout” (“sème ta ZAD”). Or, la ZAD = un isolat retranché en périurbain, destiné à tourner désormais ici en un mini Larzac-bis. Mais ça n'en fait pas pour autant un véritable projet de territoire plus large. Juste un lieu d'affichage d'une "décroissance" finalement antipopulaire.





Les "zadistes" montrent à la préfète en visite les fondements de leur pensée

2 - Bref détour politico-historique :

2018 est l'année des 50 ans de 1968, mais aussi du livre le Droit à la ville (mars 1968) d'Henri Lefebvre (1901-1991) : philosophe marxiste, sociologue, urbaniste, communiste (exclu en 1958), mais resté proche du parti : en 1978, il appelle à voter communiste, puis en 1986 publie son livre "Le retour de la dialectique", dans la revue communiste Révolution d'abord, puis aux Editions Sociales du PCF ensuite. Or, il est reconnu aujourd'hui dans le monde entier, comme philosophe marxiste non-orthodoxe. Sauf en France, ni à l'université , ni dans le parti communiste. 

Certes, “Nul n'est prophète en son pays” ! Mais serait-ce en train de changer ? Car, en cette année 2018, son propre pays semble vouloir combler son retard : nombreux colloques annoncés (Paris/avril, Caen/mai, Tours, Grenoble...). Voir également un débat (“Comment réinventer le droit à la ville ?”) dans l'Humanité du 22 décembre 2017; et, depuis, l'article d'Armand Ajzenberg (“Henri Lefebvre, le retour ?”) dans l'huma du 26 janvier 2018.

3 - Retour à l'actuel :

Le "droit à la ville" d'Henri Lefebvre (1968) n'a pas grand chose à voir avec un quelconque droit aux ZAD partout : c'est même l'exact inverse. D'ailleurs, qui rêve sérieusement d'un avenir de zadiste pour ses enfants ou petits enfants, comme pour toutes les "générations futures" tant invoquées ? Pour Lefebvre, le droit à la ville est un objectif qui s'inscrit dans la révolution urbaine (comme il y a eu depuis plus de deux siècles, une “révolution industrielle”) en cours d'achèvement, avec la mondialisation inégalitaire, et comme dernière étape en date celle de la production des territoires métropolitains pour et par le capitalisme d'Etat. Elle a donc fait passer le monde "Du rural à l'urbain" (autre titre d'Henri Lefebvre en 1970)) et non pas, à l'inverse, de l'urbain au rural, comme dans la ZAD. 

Quel en est à présent l'au-delà, l'advenir ? Le droit à la ville, même en périphérie métropolitaine (dite parfois “France périphérique”) ou en périurbain (ici nantais), devient désormais le droit à la différence, à l'urbanité, à la centralité; à la démocratie (sans déni, ni "gouvernance" oligarchique de la “technostructure” métropolitaine : grands élus + aménageurs + firmes du BTP ; à l'émancipation, et au territoire non plus dominé [domination], mais (ré)approprié [appropriation].

Dans cette perspective, le renoncement "fait du Prince" à l'aéroport au profit de la ZAD, n'a rien d'un progrès - démocratique ou populaire -, mais constitue plutôt une régression dont l'ensemble du monde périurbain nantais n'a pas fini de payer le prix, direct et collatéral.

La Une de Presse Océan du  22 février 2018



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Références : 

Ci-dessous les références (officielles, ou la plupart pro-ZAD et anti-AGO) pour un positionnement critique :

- Hervé Kempf, Notre-Dame-des-Landes, Seuil, 2014.
- Place Publique, #57, Notre-Dame-des-Landes : pourquoi tant de bruit ?, mai-juin 2016
- Préfecture de Loire Atlantique, Consultation du 26 juin 2016, Projet de transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes, résultats définitifs. 
http://www.loire-atlantique.gouv.fr/content/download/22301/162219/file/_R%C3%A9sultats%20d%C3%A9finitifs%20consultation%2026%20juin%202016.pdf

- Marc Le Duc & Jocelyne Rat, Retour à Notre-Dame-des-Landes, portraits et reportages, Le Temps Éditeur, 2017.
- IFOP, Les Français et l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, enquête pour le Syndicat Mixte Aéroportuaire, novembre 2017.
- Rapport de la mission de médiation relative au projet d’aéroport du Grand Ouest,  Ministère de la transition écologique et solidaire, décembre 2017.


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