Cherchant
à reconsidérer les rapports entre géographie, écologie et politique, cet
ouvrage collectif issu d’un colloque entend rien moins que refonder - entre Toutatis
et l’hypothèse Gaïa - la géographie française, en se conformant au modèle
unanimiste du GIEC/IPCC. Sous le titre de "Manifeste pour une géographie
environnementale", il s’agit de combattre le « sceptre de
l’écoloscepticisme qui hante la pensée politique française », ce qui n'est guère évident, observant l’exact inverse, celui-ci étant soigneusement refoulé et censuré.
Dans cet objectif, le livre requiert à charge contre la géographie académique française – prenant l’ouvrage "Le ciel ne va pas nous tomber sur la tête" (2010) comme tête de Turc – et revisite pro domo nombre des "occasions manquées " pour une géographie environnementale depuis au moins un siècle.
Il réexamine dans ce but l’apport d’un grand nombre de "passeurs" français et étrangers (de Reclus à Lovelock), même s'il est sous-entendu qu’ils auraient tous échoué à ce jour à (re)fonder une géographie "susceptible de construire les politiques de l’Anthropocène". Notion dont on admet pourtant qu’elle reste "l’objet de débats justifiés".
Dans cet objectif, le livre requiert à charge contre la géographie académique française – prenant l’ouvrage "Le ciel ne va pas nous tomber sur la tête" (2010) comme tête de Turc – et revisite pro domo nombre des "occasions manquées " pour une géographie environnementale depuis au moins un siècle.
Il réexamine dans ce but l’apport d’un grand nombre de "passeurs" français et étrangers (de Reclus à Lovelock), même s'il est sous-entendu qu’ils auraient tous échoué à ce jour à (re)fonder une géographie "susceptible de construire les politiques de l’Anthropocène". Notion dont on admet pourtant qu’elle reste "l’objet de débats justifiés".
Poursuivant son objectif, l’ouvrage développe l’appréciation répétée que "les géographes doivent abandonner une position surplombante pour accepter que leur discipline soit transformée par l’environnement, seul moyen pour elle d’être scientifiquement et politiquement pertinente dans le monde d’aujourd’hui". Mais à vouloir trop prouver, l’ouvrage donne à voir - "à l'insu de son plein gré", en quelque sorte - la richesse et l’accumulation de travaux pionniers et "passeurs" - dans un large éventail de positionnements idéologiques. Sans exciper pour autant un appareillage conceptuel très nouveau, ni expliciter un saut épistémologique nécessaire et suffisant pour "révolutionner" (au sens de Thomas Kuhn) l’ensemble d’une science géographique française bien plus diverse et variée qu'aussi étroitement "environnementale".
NB : voir une lecture plus complète et approfondie ici
Extrait (conclusion) : Politique(s) d’une géographie radicale
Dans sa contribution, David Blanchon examine l’apport de la "radical political ecology" anglophone à travers la question de l’eau et les "water studies". Il souligne les apports des géographes tels que David Harvey et son éco-marxisme (Justice, Nature and the Geography of Difference, 1996), et Erik Swyngedouw qui reprend la notion de métabolisme, déjà utilisée par Marx dans Le Capital (voir : Marx écologiste, John Bellamy Foster, 2011). Il est ainsi conduit à évoquer "les travaux d’un autre auteur français majeur, Henri Lefebvre", car Swyngedouw s’appuie sur la notion de "production de l’espace" (Lefebvre, 1976) et, plus généralement, ses analyses sur le "droit à la ville", alors étendu au droit à l’eau, à un environnement sain, etc.
Certains auteurs soulignent d’ailleurs que chez Lefebvre « la notion de droit à la ville n’est pas une notion conçue de manière étriquée comme le droit des gens à résider dans la ville. Au contraire, il s’agit du droit de tous d’être capables de participer à la fabrique de la cité ». Lefebvre dit explicitement dans La Révolution urbaine, 1970, que le droit à la ville c’est le « droit à la centralité » de tous, partout, même en périphérie(s). D’où la revendication du même type de droit pour tous de participer à l’élaboration des politiques non seulement de l’eau (The Right to the Water, 2012) , mais de toutes les "nouvelles raretés" générées, phase après phase, par le capitalisme tardif.
D’où cette excellente conclusion de David Blanchon : « La radical politic ecology tend donc à repolitiser les questions techniques de l’eau [et autres raretés] au-delà de la simple gouvernance trop souvent réduite à un processus décisionnel d’experts et conçue comme une activité de coordination tentant d’apporter une solution consensuelle à un problème formulé par ces mêmes instances de coordination. La repolitisation des questions de gestion signifierait de considérer les problèmes locaux par l’intégration des différents besoins, par la prise en compte des diverses revendications et par l’organisation de débats contradictoires publics pour parvenir à des décisions véritablement démocratiques ».
Pas sûr, cependant, que la "géographie environnementale" à visée hégémonique des consultants et experts patentés, intégrés aux rouages des processus de gouvernance consensuelle dans les technostructures à diverses échelles (EPCI, métropoles, ministères et agences (ADEME), UE, ONU/GIEC), aille toujours vraiment dans ce sens là.
Denis Chartier et Estienne Rodary (dir.), Manifeste
pour une géographie environnementale : géographie, écologie, politique,
Les Presse de SciencesPo, Coll. Développement durable 2015,440 pages, 25 €.
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