Il est désormais admis que nous serons très bientôt
"en guerre" ! Au-delà de l'horreur des carnages, la presse emploie le mot, dans ses gros titres
sur les "scènes de guerre" en plein Paris vendredi soir. "Cette fois c'est la guerre". Le président Hollande lui-même le dit et annonce des dispositions imminentes pour l’officialiser : déclarations présidentielles répétées, conseils ministériels de guerre, état d’urgence, réunion solennelle du Congrès à Versailles, etc.
Le fait est que les graves attentats à Paris ne peuvent plus
seulement être mis sur le compte de quelques "loups solitaires" qui se
seraient auto-convertis à l’Islam
radical et au Djihad sur Internet. Ce sont là des attentats organisés, programmés
et coordonnés sur des cibles choisies pour leur aspect symbolique (Stade de
France, Bataclan, XXIème arrondissement…), par un commando conséquent, prêt à
tout, comportant des éléments formés à la guerre urbaine, venus tout spécialement
pour tuer à grande échelle. Un tel risque imminent était pourtant annoncé depuis plusieurs mois. Vendredi matin, les
services d’urgence de la région parisienne ont même répété un scénario "d’attentats multiples coordonnés". Leur intervention immédiate a d’ailleurs été exemplaire
et d’une grande efficacité après les tueries massives.
Mais - encore sous le choc de l’émotion et de la frayeur, et
sous le déferlement médiatique -
faites cette expérience. Posez autour de vous ces questions simples :
pourquoi et comment allons-nous vers la guerre ? Contre qui ? Comment
en est-on arrivé là ? Vous serez sans doute surpris par la grande
difficulté des réponses, quand il y en a. Pourtant, comme toujours, l’Etat de
guerre, qui n’est pas une mince affaire, va être décrété dans l’extrême
urgence. Ce qui est sûr, c’est que la position officielle militaro-diplomatique
française depuis des mois - "ni Bachar, ni Daesh" - ne
tient évidemment plus. L'état de guerre exige de préciser les alliances, les
objectifs, les moyens. Les frappes aériennes françaises de ces dernières
semaines – outre qu’elles ont servi de prétexte aux attentats - n’ont pas
amélioré militairement les choses face à l’Etat islamique, et on commence à
parler de la nécessité d’une intervention au sol. C’en sera alors fini de la
"guerre propre" et "zéro mort" - seulement par des opérations menées du ciel, à moins que
l’OTAN ne réserve à la France cette partie du "sale boulot" à venir.
A l’intérieur, les précédents historiques de déclarations de
guerres (qu'elles soient mondiales ou coloniales) montrent également qu’elles sont souvent l’échappatoire classique des
gouvernements dans l’impasse : elle constitue le recours ultime en cas de
crise économique, sociale et politique. Or, c’est peu de dire que le pouvoir en
place est en échec avéré. Le président espère ainsi restaurer sa stature de
chef de l’Etat en prenant, davantage encore, la posture de chef de guerre. Il
compte, approuvé par Sarkozy, sur une réaction d’Union nationale - nouvelle mouture de
l’"’union sacrée" un siècle après - pour tenter de serrer les rangs
autour de lui. Mais, politiquement, cette configuration n’a finalement jamais
profité, plus ou moins rapidement, qu’aux forces de droite et d’extrême droite. On le verra assurément aux Régionales, maintenues à leur date prévue avec une campagne croupion, excuse déjà trouvée pour un désastre annoncé.
Non seulement la guerre ne règle rien, à part relancer
l’économie de guerre (vente des armes, mais pas seulement), la facture étant alors réglée par le peuple. Mais en se prolongeant inévitablement elle sert toujours de prétexte, au nom
des moyens nécessaires, à exiger encore plus de sacrifices à la population.
D’autant plus que la France est déjà engagée ailleurs, en Afrique notamment, que
l’armée est au taquet et que ses moyens ne sont pas illimités. L’état de guerre
permet opportunément de faire passer à la fois plus des mesures anti-sociales
et des dispositions anti-démocratiques, au nom de la situation d’exception.
S'il faut, certes, bien mesurer
toute l’horreur et la gravité de la situation, il est impératif de rester extrêmement
vigilants sur ses conséquences prévisibles à venir rapidement de la proclamation de l'état de guerre.
A lire également : "La guerre des mots" sur le blog de Philippe Dossal, L'atelier du polygraphe
_______________________________________
Parmi tant de morts absurdes et désolantes du vendredi 13 novembre 2015, celle du géographe Matthieu Giroud, auteur d’une oeuvre déjà conséquente et remarquée.
http://seenthis.net/messages/428389
A lire également : "La guerre des mots" sur le blog de Philippe Dossal, L'atelier du polygraphe
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Parmi tant de morts absurdes et désolantes du vendredi 13 novembre 2015, celle du géographe Matthieu Giroud, auteur d’une oeuvre déjà conséquente et remarquée.
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