Sale temps pour le climat

Article publié dans Les Nouvelles de Loire-Atlantique, n°997 daté du 12 octobre 2015, page 6.

L’approche de la prochaine conférence sur le climat, COP21, à Paris, provoque surtout… une avalanche de bouquins. Au risque d’une véritable cacophonie. Sylvestre Huet, chroniqueur scientifique à Libération se propose d’interroger le consensus factice des responsables politiques et des médias, des entreprises passées maîtres dans le greenwashing (le marketing écolo) et tous « les discours de Bisounours ». Coup d’œil, donc, sur les dessous de la cacophonie climatique : « ce
livre fera sans doute grincer quelques dents ». Préférable « aux chants naïfs qui nous promettent de "sauver le climat, la planète et Mère Nature" ». Le défi climatique nécessiterait « un débat public exigeant, où les points durs, ceux qui fâchent et opposent des intérêts et des visions du monde » ne soient « pas mis sous le tapis ». Fort bien, enfin un vrai débat ! Hélas, pour mettre fin à la cacophonie, tout le corps du livre n’est qu’un plaidoyer pour les seules thèses du GIEC, n’admettant aucun doute. Nous étions prévenus : « il est peu utile au citoyen de perdre son temps avec les "raconteurs d’histoire", les "inventeurs de complots", les "marchands de doute" ou les "négateurs de la science" du climat », en un mot, avec tous les "climato-sceptiques" honnis.

Dans un livre qui vient juste de paraître, "Climat investigation", Philippe Verdier, chef du service météo de France-TV, dénonce, lui, la confusion totale opérée entre climat et temps qu’il fait. Il montre pourquoi il n'y a plus de lien entre le climat et son immense résonance médiatique, balayant nombre d'idées reçues de l’artificialisation du sujet. Authentique spécialiste, ayant couvert toutes les conférences COP précédentes, d’aucuns mettront en cause sa fonction. Excès annoncés qui confinent déjà, aux Etats-Unis, au maccarthysme climatique.
En France "Crime climatique STOP", se fait déjà l’écho d’un "appel de la société civile"  pour laisser « les [combustibles] fossiles dans le sol pour en finir avec les crimes climatiques ».  Au prix d’une criminalisation radicale de tous les sceptiques mis dans une même charrette en route vers l’échafaud : « entreprises du secteur fossile, multinationales de l’agro-business, institutions financières, économistes dogmatiques, climatosceptiques et climatonégationnistes, décideurs politiques prisonniers de ces lobbies ». On appréciera l’amalgame crime climatique = crime nazi !

Après avoir dénoncé le consumériste ("No logo", 2001) la journaliste canadienne Naomi Klein. avait décrypté sous le terme de "Stratégie du choc", "la montée d’un capitalisme du désastre" (2008). Cette fois, en plus de 600 pages, elle affirme qu’à travers l’articulation du capitalisme et du changement climatique, « Tout peut changer ! » Pas question, cependant d’y voir une nouvelle déclinaison d’un choc stratégique, l’alarmisme climatique pouvant, après tout, n’être que les habits neufs d’une soumission durable. Pour elle, au contraire, « loin d’entraîner un durcissement de la stratégie du choc, la crise du climat pourrait susciter un sursaut citoyen, une secousse venue de la base ». Même si, « quoi que nous fassions, des catastrophes de plus en plus terribles surviendront ». Pourtant « ce qu’une crise d’une telle ampleur a de particulier, c’est qu’elle change tout, le changement climatique change tout ». Mais - ça c’est déjà produit – il ne s’agirait pas de tout changer, pour que rien ne bouge.


Gérard Le Puill estime, quant à lui, que « l’écologie peut encore sauver l’économie ». Pour lui, quand « la course au profit met la planète en feu », il faut « partir de l’existant pour tout changer progressivement ». Dans sa préface, Patrick Le Hyarick souligne d’emblée que « la réponse au dérèglement climatique aura nécessairement une forte dimension sociale. En effet, que cache la question climatique si ce n’est celle, radicale et sociale, du développement ? » Il remarque que depuis plusieurs  conférences, « les négociations sur le climat ont bien montré qu’en définitive les points d’achoppements étaient liés à l’enjeu du développement, ou plutôt à la possibilité qu’il y en ait un et à sa nature ». La prochaine conférence de Paris, au-delà de ses âpres discussions prévisibles entre pays développés (USA, UE), pays émergents (BRIC) et pays pauvres (Afrique), sur les seuls quotas autorisés d’émissions de GES (gaz à effet de serre), ne devrait, en effet, pas échapper à cette question de fond des inégalités criantes face à toute "justice climatique", aussi urgente et légitime soit-elle.


Livres climat 2015

  • ATTAC, Le climat est notre affaire, Ed. Les Liens qui Libèrent, 2015
  • Crime climatique STOP ! L'appel de la société civile, Coll., Seuil/Anthropocène, 2015 
  • Huet S., Les dessous de la cacophonie climatique, La ville Brule, 2015
  • Klein Naomi, Tout peut changer, capitalisme & changement climatique, Acte Sud, 2015
  • Gérard Le Puill, L'écologie peut encore sauver l'économie, Ed. Galodé/L'Huma, 2015
  • Mamère Noël, Changeons le système, pas le climat, manifeste pour un autre monde, Flammarion, 2015
  • Verdier Philippe, Climat investigation, Ed. RIng, 2015

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