Après la parution en 2012, de son livre « Après la fin
du monde, critique de la raison apocalyptique », le philosophe Michaël
Foessel publie cette semaine, le 8 octobre, une réflexion opportune, entre
intime et politique, sur la consolation. Attention philo, mais si nécessaire et
utile ! Quelques brefs extraits d’un entretien au JDD de ce jour, pp.40-41, qui
donne envie d’aller plus loin. Où il est question de consolation, de mélancolie
patrimoniale, d’avenir, de résilience, d’intimité, d’altérité et de politique.
JDD - La consolation est un concept philosophique et, en
même temps, la philosophie moderne, celle qui commence avec Descartes, renonce
à consoler.
MF – La philosophie moderne est influencée par le modèle de
la science. Comme les mathématiques ou la physique, elle a l’ambition de
produire un savoir objectif. Son but n’est pas de consoler mais de permettre
aux hommes de connaître le monde et de le transformer. Dans cette veine, Marx
parlera de la consolation religieuse comme de « l’opium du
peuple » : une manière de rendre supportable l’insupportable (en
particulier les inégalités sociales). Je retiens une partie de cette critique
car je ne pense pas que la philosophie console de quoi que ce soit (…)
JDD - Vous dites : « le fait de n’être pas
réconcilié avec son passé est la seule possibilité d’avoir un avenir. »
MF - Par cette phrase, je vise cette espèce de mélancolie
qui consiste à s’accrocher au passé. Cette mélancolie est à l’œuvre dans le
devenir patrimonial des sociétés occidentales, le fait d’ériger ou de restaurer
partout des monuments de notre grandeur passée (…) Mon livre essaie de tracer
une autre voie, celle de la consolation de ce qui a été perdu et ne reviendra pas
(la Grande nation, l’Europe dominatrice), mais sans oublier pour autant que
nous avons quelque chose d’inédit à inventer. C’est justement l’acte du
consolateur : convaincre autrui que quelque chose est possible malgré la
tristesse. L’avenir suppose que tout n’est pas déjà écrit dans le passé, soit
sous la figure de la gloire, soit sous la figure de la plainte (…).
JDD – La consolation n’est pas un divertissement.
MF – J’ai écrit le temps de la consolation contre les
impératifs de la résilience qui posent que la perte n’est qu’un mauvais moment
à passer. Le chagrin ne relève pas seulement d’une thérapie, car il n’est pas
le symptôme d’une maladie.
JDD – La tristesse remet en question l’ordre établi.
MF – J’ai voulu aussi montrer que la politique se joue aussi
dans des questions intimes. Le thème de la consolation implique l’altérité, et
il y a là une dimension politique car c’est toujours au nom de quelque chose
que l’on console autrui : au nom de l’avenir, de la justice ou de la
liberté. La politique ne se limite pas à des institutions ou à des enjeux de
pouvoir. Elle commence à chaque fois que l’on se demande comment agir avec les
autres. Cela vaut particulièrement dans les périodes de détresse.
Michaël Foessel, Le Temps de la consolation, Ed. Seuil, 2015, 300
p., 22€.
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