D’après un article de Patrice Trapier dans le JDD du 5
juillet 2015, intitulé "Houellebecq entre deux mondes".
La Revue des deux Mondes, a été fondée en 1829 pour porter,
des deux côtés de l’Atlantique, l’héritage de l’humanisme des Lumières. Au
dossier de son numéro d’été, "Les Écrivains prophètes", Houellebecq répond
qu’il ne fait qu’exprimer une angoisse qu’il sent chez ses contemporains. Pour
le reste, comme l’affirme Mark Twain, en couverture de la revue :
« L’art de la prophétie est extrêmement difficile, surtout en ce qui
concerne l’avenir ».
Mercredi 7 janvier, dans la matinale de France Inter,
Houellebecq lançait, à coup de fausses naïvetés et de vraies provocations, son
nouveau roman Soumission (une France sous présidence musulmane modérée). Deux
heures plus tard, les frères Kouachi entraient à Charlie Hebdo ;
Houellebecq, grand ami de Bernard Maris, suspendait toute apparition publique.
L’entretien présent – dans la Revue des deux mondes (voir ci-dessous) – souligne
l’intérêt de l’après-coup. Que reste-t-il quand l’hystérie s’est effacée ?
Houellebecq calme et nuancé, s’attriste que la plupart des critiques ne l’aient
commenté qu’à travers le prisme de l’islam (il n’y est pas pour rien non plus).
Plus qu’une concurrence externe, le mouvement d’affaiblissement de l’Occident
actuel est pour lui un processus interne commencé avec la première crise
industrielle de 1973. On pourrait discuter de cet effondrement qu’on
préférerait nommer mutation. Houellebecq, lui, préfère s’intéresser aux
conséquences sur l’individu de cette métamorphose : l’affaiblissement
sexuel et spirituel de l’homme blanc (la femme s’en sort mieux, estime-t-il),
jusqu’à cette ultime contraposition cartésienne : « je ne suis pas,
donc je ne pense pas. »
Présentation par la Revue
Michel Houellebecq n’est pas
un prophète : ce n’est pas nous qui le pensons, c’est lui qui le dit. Il ne
porte pas la voix d’un grand Autre, car il pense que Dieu l’a délaissé. Il ne
se venge pas non plus de ce Dieu qui l’ignore, en se faisant lui-même démiurge,
en créant un monde à la manière d’un Balzac, dont les lois seraient celles de
l’écrivain. Il écrit juste une fiction dans notre monde. Simplement, cette
fiction constate, observe, et met en scène une peur, comme 1984 est
la peur qu’Orwell détecte en 1948. Une peur sourde, mais manifeste, et
largement diffusée, du haut jusqu’au bas de la société. Cette fiction, Soumission, raconte une France soumise à l'islam. Y croit-il ? Dans le récit, la soumission reste au
conditionnel. Genèse et conséquences de la possibilité d’une catastrophe.
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