La Loire au cœur !

Un dossier de Place publique #49 de janvier-février 2015
- L’histoire d’abord
- Le Débat : formes, enjeux et objectifs


La revue urbaine Place Publique publie un riche dossier intitulé La Loire au cœur !  dans son numéro #49 consacré à l’histoire indissociable du fleuve et de la ville, aux enjeux politiques et urbains de la discussion en cours dans le cadre du Grand débat : « Nantes, la Loire et nous ». Non seulement « à travers l’histoire, mais aussi des exemples glanés ailleurs, le débat lui-même, la manière innovante dont il s’organise et ses principaux enjeux » est-il indiqué dés l’Edito.

L'histoire d'abord

Les historiens Alain Croix et Didier Guyvar’ch s’inscrivent dans le temps long, voire très long, approfondissant le contenu de l’audition publique par la commission du débat, le 11 décembre 2014. A l’heure où on serait en train de passer du fleuve-travail au fleuve évasion, ils répètent que, selon eux, plus que jamais, la géographie propose, mais l’histoire dispose. Refusant tout déterminisme, ils en arrivent à cette affirmation : « La Loire a été, est et sera ce que les hommes veulent bien en faire. Le fleuve est aussi une œuvre humaine ».

En se focalisant sur la seule question des ponts, André Péron enfonce lui-aussi le clou : tout choix de franchissement est une manière de répondre à la question des usages possibles et attendus de la Loire, validant du même coup la thématique élargie du débat, englobant usages et pratiques au-delà de la seule question des franchissements.

Pierre Gras, dans une démarche comparative, fait un tour d’horizon européen des relations entre les villes, leur cours d’eau et leur port, privilégiant l’Europe du Nord avec Londres, Hambourg et Copenhague. Mais ignorant l’Europe du Sud, avec, entre autres, Lisbonne, Porto (et leur téléphérique respectif).

Le cas du "grand paysage d’eau" de la Maine, entre Angers et Bouchemaine, est évoqué par Emmanuelle Quiniou, plus pour la méthode d’investigation qualifiée de « sensible » pratiquée, que sur le fond, ce cas étant tout de même très différent de celui de Nantes (la Maine : 11,5 km, pour plus de 1000 pour la Loire !).

Pour Jean-Claude Pinson, philosophe et poète, l’approche sensible et intime est également à privilégier. L’essentiel étant que « quand la ville est fluviale, le droit à la ville doit inclure un droit essentiel et imprescriptible au fleuve ».

- Le Débat : formes, enjeux et objectifs

Philippe Audic, coprésident de la commission du débat, s’exprime aussi en tant que président du conseil de développement. Il rappelle les thèmes et les enjeux du débat, et souligne ses aspects innovants. Quant à la coprésidente, Martine Staebler, privilégiant la préoccupation de la qualité de l’eau, elle insiste sur l’objectif de pouvoir un jour se rebaigner dans la Loire.

Laurent Théry, grand connaisseur des lieux, premier aménageur de l’Île de Nantes avec la SAMOA, aujourd’hui plus libre de parole concernant Nantes, part de la conviction que l'Île de Nantes a d’ores et déjà changé le regard porté sur le fleuve par les Nantais et les autres. Et, selon lui, le projet doit maintenant s’élargir à l’échelle de l’estuaire tout entier. Concernant le futur franchissement - anticipant débat, préconisations et décision - pour lui « le plus simple est de construire un pont entre le Bas-Chantenay et Rezé ». S’agissant des franchissements, Gabriel Vitré décrit, lui, brièvement mais très clairement, les possibilités et rappelle l’urgence d’une décision vus les délais de construction : huit ans pour un pont, dix pour un tunnel.

Amélie Nicolas, sociologue, éclaire, dans un article remarquable, une question encore trop occultée à son goût et dans l'état actuel du déroulement du débat:  comment concilier le port et la ville, les attentes du citadin qui jouit de la ville et celles du travailleur du port ? Selon elle, "les citadins que nous sommes ignorent souvent les usages quotidiens de la Loire travaillée, des usages ordinaires et techniques, comme ces métiers qui tentent de maîtriser le phénomène physique du bouchon vaseux pour autoriser la navigation en Loire de navires à fort tirant d'eau. La connaissance de ces métiers est un préalable à une interconnaissance entre les hommes de la ville et les hommes du port, et peut-être à une nouvelle relation entre la ville et le port" souligne-t-elle.

Goulven Boudic, politologue, examine les enjeux de pouvoir du Grand débat : l’occasion pour la nouvelle maire de Nantes et présidente de Nantes Métropole, d’asseoir son leadership politique, et d’avancer vers un nouveau projet urbain, de la gare de Nantes au pont de Cheviré. Évoquant les "risques du débat",  peut-être nous confirmera-t-il d'abord "dans l'intuition que la participation n'est pas prioritairement destinée à écouter la parole de tous les citoyens ordinaires, mais bien un moment, aujourd'hui nécessaire, d'ouverture des arènes qui permet aux élus de construire des mobilisations, de définir des coalitions d'acteurs, d'élaborer des visions partagées du territoire et de son destin ". Ensuite, il souligne les dangers d'une dé-territorialisation d'un débat liée à son immatérialité (Internet, réseaux sociaux) malgré les efforts faits pour le mettre en scène et lui donner des formes plus concrètes. Enfin, il pointe "l'obsession de la centralité" depuis une trentaine d'années, aussi bien chez les élus que chez les techniciens à l'heure d'une mutation "de cœur de ville à cœur de métropole".

Laurent Devisme, urbaniste - spécialiste, justement, de la centralité - après avoir fait une rétrospective des occurrences de la Loire dans la Revue Place Publique elle-même – omniprésence de l’eau, redécouverte du rôle du port et de l’estuaire – examine diverses utopies urbaines et architecturales que la Loire a pu susciter. Des "rêveries de Loire" qui ont également toute leur place dans le Grand débat.

Au final un riche dossier qui vient à point nommé pour nourrir et dynamiser une nouvelle étape du Grand débat sur des bases et des problématiques plus élaborées et, partant, davantage productives. Un point d'appui solide et incontournable pour la montée en pertinence du débat.

Place Publique #49, Janvier-Février 2015, 162 pages, 10 €.

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