"L’autoroute de la mer franco-espagnole au bord du naufrage" ?

Les échos du 14 septembre 2014



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LD Lines va probablement suspendre la liaison maritime Montoir-Gijón. L’autoroute transgascogne est déficitaire sans aides publiques. La route est moins chère.

La décision est imminente. L’autoroute de la mer franco-espagnole semble atteindre son épilogue. LD Lines, filiale de Louis Dreyfus Armateurs, s’apprête à suspendre, dès cette semaine, cette liaison maritime à haute fréquence reliant Montoir-de-Bretagne, près de Saint-Nazaire, et Gijón dans les Asturies, en Espagne. Cette décision correspond à l’arrêt programmé des subventions destinées à soutenir, de façon dégressive, le lancement de la ligne. Depuis son démarrage, en 2010, les Etats français et espagnol ont versé 30 millions d’euros et l’Europe 4 millions d’euros dans le cadre du programme Marco Polo destiné à transférer vers la mer une petite partie du flux de camions. « Nous sommes en discussion avec les Etats pour trouver une solution, modifier le service, prolonger les subventions ou les deux », indique Christophe Santoni, directeur de LD Lines. « Mais pour l’instant, nous n’avons pas abouti. » Le dirigeant décrit un paradoxe : celui d’un certain succès commercial, avec 72 % de taux de remplissage, mais un déficit chronique, si l’on enlève les subventions. En 2013, la liaison transgascogne a transporté 20.000 camions avec chauffeurs, 30.000 voitures neuves pour Renault et 13.320 voitures de particuliers, la ligne ayant gagné une clientèle touristique qui n’était pas envisagée au départ. « Mais notre concurrent, c’est la route et le client n’est pas prêt à payer plus cher que le trajet routier », poursuit Christophe Santoni. Sans subventions, le déficit d’exploitation annuel approche les 6 millions d’euros, soit le tiers du budget annuel de la ligne.

Prix au taquet

Selon la compagnie, le marché ne peut admettre la hausse tarifaire permettant d’éponger cette perte. En janvier, LD Lines avait tenté de sortir de cette situation par le haut en investissant dans un second navire et en prolongeant la ligne vers Rosslare, en Irlande, Poole, en Angleterre et vers Santander, en Espagne. Mais la situation ne s’est pas améliorée pour autant. Un autre projet d’autoroute de la mer franco-espagnole est en suspens, entre Montoir et Vigo, en Espagne. Le 19 mai dernier, l’Agence exécutive pour l’innovation et les réseaux (Inea) a acté le principe d’une subvention de 3 millions d’euros. Mais pour démarrer, il faut encore la décision de la Commission intergouvernementale franco-espagnole, et les aides des deux Etats. En fait, la liaison Montoir-Vigo existe déjà, depuis quarante ans. Elle assure les flux de Gefco, logisticien du groupe automobile PSA. Au rythme de deux escales par semaine, le navire transporte principalement des pièces et des voitures neuves, Peugeot et Citroën, fabriquées à Vigo. Mais pour accéder au statut d’autoroute de la mer, une troisième escale est nécessaire, avec un second navire, avec une ouverture à d’autres trafics qui restent à trouver. « Les autoroutes de la mer fonctionnent, notamment en Europe du Nord, dans la Baltique, mais généralement sur de très longues distances, en non accompagné (camions sans chauffeurs), sur des contrats industriels et dans le cas d’une grande périphéricité géographique, analyse Paul Tourret, de l’observatoire maritime Isemar. Dans ces conditions seulement, elle offre une vraie alternative à la route. »

Emmanuel Guimard Correspondant à Nantes

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