Pour Christophe Guilluy, géographe et auteur de
« fractures françaises » (2011), présenté par la revue La Gazette des
Communes du 6 janvier 2014 comme un « consultant très prisé »,
« les élites sont obnubilées par les métropoles ». C’est le titre de
l’entretien - événement que la revue publie cette semaine (p.8-9). Pour lui, la
nouvelle géographie sociale du pays rend inévitable la montée des antagonismes
entre les métropoles « mondialisées » et la France des
« invisibles ».
Extraits :
Que retenir du projet de loi d’affirmation des métropoles,
définitivement adopté le 19
décembre par le Parlement ?
Cette priorité est tout sauf une surprise. Cela fait trente
ans que les élites et la technostructure, obnubilées par la question
économique, organisent la France autour de ces métropoles. Le texte du
gouvernement Ayrault met simplement en forme cette vision sur les plans
politiques et institutionnel.
Pourquoi cette conception favorise-t-elle ce que vous
appelez les « fractures françaises » ?
Parce que, malgré leur poids démographique, ouvriers et
employés ne vivent plus dans ces territoires où l’essentiel des richesses est
produit. Alors que jusque dans les années 70, le marché industriel créait les
conditions de leur présence en ville, la tertiarisation des métropoles
implique, aujourd’hui, leur bannissement et leur remplacement par des cadres et
des populations immigrées. Le modèle métropolitain ne fait donc pas société. Il
délaisse toute une France périphérique, où l’on retrouve désormais les actifs
et les retraités les plus précaires.
La péréquation ne permet-elle pas, justement, d’unir ces
deux France ?
La France périphérique a accueilli énormément de catégories
modestes, voire précaires, exclues des grandes villes. Pourtant la
technostructure continue de prédire sa désertification. L’Etat campe, là, sur
sa logique de fermeture des services publics.
Elles le pouvaient jusqu’à ce que cette France des plans
sociaux soit confrontée à la raréfaction de l’argent public. L’envolée des prix
du foncier empêche tout retour en ville des chômeurs, intérimaires, ouvriers,
employés, petits paysans, entrepreneurs indépendants et retraités de ces
territoires.
Existe-t-il une alternative crédible au modèle
métropolitain ?
Il semble désormais qu’il n’y aura pas de Grand Soir
(disparition des communes dans l’intercommunalité ou suppression des
départements au profit des régions). Mais si les élus locaux de la France
périphérique souhaitent éviter une réforme territoriale imposée par le haut,
ils doivent accepter la notion de conflit et se place dans une logique
d’affrontement politique, afin de proposer un contre-modèle.
Cela peut-il avoir un impact sur les clivages
traditionnels ?
Une nouvelle carte politique est en train de se dessiner
autour de cette fracture entre France métropolitaine et France périphérique,
selon la logique ouverture-fermeture. Les grande métropoles sont l’apanage de la
gauche « sociétale » ( le PS et Europe Ecologie-Les Verts), voir de
la droite centriste, tandis que la contestation grandit au fur et à mesure que
l’on s’écarte de ces espaces centraux, et cela en Rhône-Alpes comme en région
parisienne ou dans le Nord. Cette fracture se trouvera bientôt au cœur des
partis politiques et ne relèvera plus du débat gauche-droite.
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