Une lutte de classes multiforme contre le mode de production capitaliste de la ville


Excellent entretien, dans l’Humanité des Débats d’aujourd’hui, vendredi 18 octobre 2013, avec la géographe Anne Clerval qui vient de publier "Paris sans le peuple, la gentrification de la capitale", aux Éditions La Découverte, 2013, 24 €.
 
Elle y critique les notions de "bobos" et de "mixité sociale", et centre son analyse sur l'idée de "gentrification".  Ce qui lui permet, en fin d'ouvrage, de faire une sévère critique de la politique menée par la municipalité de gauche à Paris. Certes, la construction des logements sociaux est-elle en hausse, mais la philosophie qui préside à cette politique est, à ses yeux, contestable.


A la question de l’Huma : « Existe-t-il un contre modèle pour faire le lien entre les moins fortunés des gentrificateurs et les classes populaires ? »,  elle répond :
« Il faut d’abord poser la question du mode de production capitaliste de la ville. Parce que la production de la ville n’est pas faite pour satisfaire les besoins des gens. Elle vise d’abord à rentabiliser le capital, à immobiliser au sol les surplus de capitaux pour une rentabilisation ultérieure. La ville est un stabilisateur du capitalisme mondial. Lutter contre le processus de gentrification suppose de remettre en cause le capitalisme. C’est la condition nécessaire à la réappropriation de la ville par tous, et en particulier les classes populaires.
Cela rejoint la proposition d’Henri Lefebvre pour le droit à la ville, autrement dit le droit collectif de produire et de gérer la ville, qui oppose le droit d’usage à la propriété privée lucrative et remet en cause le pouvoir des propriétaires ou des promoteurs et celui des édiles au profit d’un pouvoir collectif direct (…) », à travers « une lutte multiforme qui permet d’ancrer la lutte des classes dans chaque quartier et de fédérer différentes luttes sectorielles au niveau local ».

Lire également, sur le site des inRocks : “La mixité sociale à Paris est une notion hypocrite”.

Anne Clerval est enseignante-chercheuse en géographie à l’université Paris-Est Marne-la-Vallée. Elle a fait sa thèse de doctorat sur la gentrification de Paris à l’université Paris-1 Panthéon Sorbonne. Son travail s’inspire de la géographie radicale anglophone, et en particulier des analyses de la gentrification de New York menées par Neil Smith.

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