Jean Ferrat, le charme rebelle


Raoul Bellaïche, directeur de la revue "Je Chante magazine", propose sous ce titre, une nouvelle biographie de Jean Ferrat. Il s'appuie non seulement sur des entretiens réalisés avec le chanteur à différentes dates, mais sur de nombreux témoignages, souvent publiés in extenso, notamment ceux de son agent Gérard Meys, de son arrangeur attitré, le jazzman Alain Goraguer, et son parolier habituel  à la fin de sa carrière Guy Thomas. 
Même s'il s’agit plus dans le deuxième partie d'une discographie fouillée que d'une véritable biographie, la première partie nous apprend beaucoup de choses, non seulement sur l'histoire familiale du chanteur, mais sur ses débuts difficiles dans la chanson. Dans les années 1950, il fréquente les cabarets Rive gauche (l'Ecluse, le Riverside, Chez Moineau, la Polka des Mandibules, l'Echelle de Jacob). Rude école où il croise des inconnus qui deviendront également célèbres : Georges Brassens, Charles Aznavour, Guy Béart, Pierre Perret, Léo Ferré, Francis Lemarque, Jacques Brel et d'autres interpètres de grande qualité moins connues, comme Anne Sylvestre, Francesca Solleville, et Christine Sèvres qui deviendra sa femme, et dont la carrière restera dans l'ombre de celle de Ferrat 
Une foule d'anecdotes parfois surprenantes enrichissent notre connaissance de l'artiste, comme l'origine de son nom de scène, ou son disque de Noël sous le pseudo de Noël Franck. Ou encore qu'il est l'auteur initial de la chanson "Mon vieux", dont Daniel Guichard fera un succès... douze ans plus tard  !
Mais on peut, aussi, suivre les moments successifs de la manière - si différente de celle de Léo Ferré - qu'il a eu d'aborder et de mettre en musique certains poèmes d'Aragon.
On apprend également les circonstances précises de sa découverte d'Antraigues, et les étapes de l'installation du couple dans ce village d'Ardèche devenue célèbre grâce à eux. 
Le livre éclaire les hauts et les bas de la carrière du chanteur, ses déboires avec la censure, les aléas d'une critique qui ne l'a pas épargné, ses succès discographiques et certains échecs; les circonstances et conséquences du voyage à Cuba (1967); les vives polémiques avec l'Arche, Marie Laforêt et Jean d'Ormesson; ses passages sur scène (Bobino, l'Alhambra, le Palais de Sports, mais pas l'Olympia de Coquatrix), à la radio ("Radioscopie" de Jacques Chancel) ou à la Télé (Le Grand Echiquier, les Rendez-vous du Dimanche et les "Spéciales" de M.Drucker); sa proximité et ses divergences avec le PCF.
Des annexes donnent des informations exhaustives sur la discographie de J.Ferrat (1958-2002), une bibliographie et un index très utile pour retrouver toutes les personnes associées, de près ou de loin, à une longue carrière, aussi riche que digne.
Une lecture agréable et enrichissante, qui donne envie de revisiter et de réécouter, au-delà de Jean Ferrat lui-même, la saga si riche et diverse de la chanson française de qualité et de cœur.
Raoul Bellaïche, Jean Ferrat, le charme rebelle, Ed. l'Archipel, 2013, 622 pages, 22€ 

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