Ce collectif anonyme s’attache à
montrer comment en quelques décennies, « les pays développés sont
passés d’un contrôle social fondé sur le langage, l’interlocution, la
convocation linguistique de l’humain et l’activation de ses fonctions de
symbolisation, à un contrôle social reposant sur la programmation
comportementale des masses au moyen de la manipulation des émotions et de la
contrainte physique ».
La politique qui était jadis
l’art de réguler les contradictions d’un groupe par l’inculcation chez ses
membres d’une Loi commune, un grammaire sociale structurante et permettant
l’échange au-delà des désaccords, la politique est devenue aujourd’hui
l’art d’automatiser les comportements
sans discussion. La fonction symbolique, c’est-à-dire la capacité de
rationalisation des émotions et d’articulation dialectique de leurs
contradictions dans un discours partagé, la capacité à se parler alors que nous
ne sommes pas d’accord, clé de voûte de l’élaboration du sens commun d’un
groupe organisé et du tissage du lien social, est directement attaqué par cette
mutation.
L’ingénierie sociale met en œuvre
des techniques de manipulation qui s’appuient sur les sciences de la gestion,
une nébuleuse de disciplines qui ont constitué peu à peu un corpus cohérent à
partir des années 1920 et dont la théorie de l’information et la cybernétique
résument les grandes lignes idéologiques : les êtres vivants et les
sujets conscients sont des systèmes d’information susceptibles d’être
modélisés, contrôlés, voire piratés. Les plus connues de ces disciplines sont
le marketing, le management, la robotique, le cognitivisme, la psychologie
sociale et behaviouriste (comportementale), la programmation neurolinguistique,
le storytelling, le social learning, et le reality building.
A la différence des sciences humaines et sociales, ces sciences gestionnaires
ne se contentent pas d’observer et de décrire leur objet d’étude, elles
interviennent aussi sur lui dans le sens d’une ingénierie, par un travail de
reconfiguration.
Par exemple, le management est
l’art d’organiser les « groupes amis » - management positif – et
l’art de désorganiser les « groupes ennemis » - management négatif.
En politique, la maîtrise de cet art est plus importante que les idées elles-mêmes
et que le débat sur les idées. Car si l’infrastructure des idées, c’est la
capacité d’organisation des groupes humains qui les soutiennent, pour rendre
impossible l’expression de telles idées sans jamais les censurer explicitement,
il suffit de désorganiser le groupe qui les exprime.
Selon les auteurs, après des
décennies de management négatif, sont devenues dominantes dans les classes
populaires (petite bourgeoisie, classes moyennes, prolétariat), « les
tendances sociétales pathologiques de dévaluation de la virilité, de
survalorisation de la féminité, d’enfant roi hyperactif et de mépris pour les
anciens, induisant pour finir une impuissance organisationnelle totale ».
C’est ainsi que « toutes
les classes sociales des pays développés peuvent entonner à l’unisson la maxime
de la Jeune-Fille individualiste et du citoyen modèle des groupes
dépolitisés : Aucune cause ne mérite que je me batte jusqu’à la mort pour
elle, ma vie personnelle passe avant celle du groupe ».
L’ingénierie sociale génère
finalement « un Nouvel Ordre Mondial fondé sur la stratégie du choc, le
chaos planifié, les crises économiques ou sanitaires programmées, la
Virtualisation du sens et le brandissement d’une "menace terroriste"
pour justifier la surveillance concentrationnaire des populations ».
Coll. Anonyme, Gouverner par le chaos, ingénierie sociale et mondialisation, Ed. Max Milo, 2012, 94 p., 9,90 €.
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