Les enjeux de pouvoir se sont toujours traduits
dans l’organisation de l’espace social. Tout système politique peut être
analysé au travers de son urbanisme. Ce livre critique décrypte, pour mieux le
comprendre, celui dans lequel nombre d’entre-nous vivent.
La collection Pour en finir avec…
Critique de la servitude volontaire, de
l’aliénation quotidienne, de l’oppression et des inégalités, la collection Pour
en finir avec de la maison d’édition
l’Echappée développe des analyses radicales. Radicales au sens littéral du
mot « qui vise à agir sur la cause profondes des effets qu’on veut modifier
». Radicales car elles prennent en compte toutes les dimensions d’un problème :
économique, politique, psychologique et technologique. Radicales parce que le
capitalisme ne peut être réduit à un système d’exploitation économique, il
envahit toutes les sphères de notre existence et ne tient que par
l’intériorisation d’un imaginaire surpuissant. Radicales parce que le système
se nourrit perpétuellement de sa critique et que seul ce qui le sape dans son
essence pourra le détruire.
Le cauchemar pavillonnaire
Les zones pavillonnaires, affublées à l’occasion
du joli nom de lotissement, envahissent inexorablement les abords des villes et
des villages, selon un modèle administratif et économique qui, indifférent au
lieu, se reproduit à l’identique. Elles incarnent un idéal et un mode de vie
fondés sur l’aliénation désirée. L’obsession de l’hygiène et de la sécurité, le
culte de la marchandise et de la propriété privée ont remplacé les solidarités
et la culture de résistance des classes populaires. L’expérience de la relation
à autrui se réduit au désir mimétique de posséder les mêmes signes de la
réussite individuelle. Cet univers, parfaitement structuré, enferme
l’imaginaire dans un espace étriqué, accentue le repli sur soi et appauvrit la
vie sociale.
La géographie de l’univers pavillonnaire est
celle d’un zonage de l’espace. Son mode de vie, celui des dites classes
moyennes, repose sur le principe "isolés ensemble". Son
idéologie défend l’optimisation dans l’individualisme, et son histoire fait
évoluer les couches populaires de la lutte des classes à la pacification social
du prolétariat.
Huis clos de l’ego, il est entouré de
"non-lieux" tels que l’autoroute et ses aires, des chaînes hôtelières
bon marché, de l’hypermarché et son centre commercial, et dans les centres qui
restent, du village témoin avec ses rues piétonnes.
Pour l’auteur, ce monde d’employés et de chef de
bureaux est finalement celui de la fabrique d’un conformisme constitué de lieux
communs, reposant sur une tyrannie du marketing, à base d’infantilisation
généralisée, et avec au final la dépression comme ultime forme de subversion.
Une critique radicale certes, qui dérange
assurément, mais bien argumentée et très suggestive aussi.
Jean-Luc Debry, Le cauchemar pavillonnaire, Ed. L’échappée, Montreuil, 2012, 160 pages, 12 €
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