"Les paradoxes du Parti communiste"

Lire l' excellente analyse des conséquences de la stratégie de Front de Gauche pour le PCF, par Raphaëlle Besse Desmoulières dans Le Monde du 14.09.2012


Trois ans après la création du Front de gauche, initié avec le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon lors des européennes de 2009, le Parti communiste français, qui donne le coup d'envoi, vendredi 14 septembre, de la 77e édition de la Fête de L'Humanité, est confronté à un double défi : poursuivre la démarche engagée avec le Front de gauche et s'attaquer au renouvellement générationnel aussi bien de ses élus que de ses militants. Un enjeu vital – et bien compris – pour le parti de Maurice Thorez qui fait face depuis un quart de siècle à l'effritement de son influence.

Car si la campagne présidentielle a redonné une seconde jeunesse aux communistes, celle des législatives leur a laissé un goût amer. Même si les 11,10 % obtenus le 22 avril ont été jugés décevants dans un premier temps – Jean-Luc Mélenchon, le candidat commun, ayant élevé le niveau d'exigences jusqu'à viser la troisième place –, la présidentielle a bel et bien été un succès pour le PCF. Il faut remonter à 1981 et à Georges Marchais pour obtenir un score à deux chiffres (15,3 %). En 2007, Marie-George Buffet n'avait réuni que 1,93 % des voix. Paradoxe de la situation, c'est à un ancien socialiste que les communistes doivent ce joli score.

LIMITES DE LA STRATÉGIE D'AUTONOMIE

Pourtant, quelques semaines plus tard, le PCF n'arrive pas à transformer l'essai aux législatives. Incapable de présenter de nouvelles têtes, c'est la douche froide, malgré l'étiquette Front de gauche. La stratégie d'autonomie vis-à-vis du PS montre ses limites dans un scrutin majoritaire à deux tours. Le Front de gauche n'obtient que 6,91 % des suffrages et moitié moins de députés (10 dont 7 encartés au PCF) que dans l'Assemblée sortante. A titre de comparaison, Europe Ecologie-Les Verts, signataire d'un accord électoral avec le PS, réalise 5,46 % des voix mais constitue un groupe de 18 députés.

Au PCF, des piliers perdent leurs sièges comme Pierre Gosnat dans le Val-de-Marne ou Roland Muzeau, président sortant du groupe, dans les Hauts-de-Seine. Il faudra même une certaine bienveillance du PS pour que le Front de gauche constitue un groupe. Pour espérer pouvoir influencer les textes socialistes, les communistes s'en remettent désormais à leur groupe de sénateurs qui, malgré le départ, jeudi 13 septembre, de l'ancien secrétaire national du PCF, Robert Hue, du groupe, reste charnière au Palais du Luxembourg.

CONSERVER SES PLACES FORTES

Au sein du Front de gauche, le PCF, fort de ses 11 000 élus et de ses 130 000 militants revendiqués, entend continuer à jouer un rôle de premier plan dans le Front de gauche. Mais cela suscite des tensions ces dernières semaines entre Pierre Laurent, le secrétaire national des communistes, et Jean-Luc Mélenchon, sur le rôle de ce dernier dans le dispositif post-présidentiel.

Même si le constat sur l'action du gouvernement est partagé, des différences stratégiques se sont fait entendre sur le rôle du Front de gauche : M. Mélenchon le voit en recours, dans l'hypothèse d'un d'échec du gouvernement Ayrault, M. Laurent plutôt un aiguillon, afin d'obtenir des changements immédiats. Autant de signes de la difficulté pour le Front de gauche d'être autre chose qu'un simple cartel électoral. Un enjeu d'autant plus grand que ce dernier doit affronter deux années sans rendez-vous électoral.

Les municipales de 2014 devraient renforcer les tensions. Si le PCF souhaite conserver ses dernières places fortes, notamment dans "la banlieue rouge" parisienne, se posera de nouveau la question – problématique – de l'alliance avec le PS. Et un Front de gauche sans le PCF signerait la fin du rassemblement, tout comme un Front de gauche sans M. Mélenchon pourrait difficilement se faire. On comprend mieux pourquoi MM. Mélenchon et Laurent préfèrent mettre l'accent sur les européennes de 2014, sur lesquelles le Front de gauche a construit son identité.

Raphaëlle Besse Desmoulières

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