Le PCF persiste et s'enferre dans sa ligne "front de gauche" perdante

 "La preuve du pudding, c'est qu'on le mange" Friedrich Engels
 (Socialisme utopique et socialisme scientifique, 1880)

La preuve d'une stratégie, c'est qu'elle gagne. Que faire si elle perd ? On continue ou on en change ?

  • Une consultation bidon

Les conditions de la consultation des communistes des 18 et 19 juin 2012 constituent un véritable déni de démocratie : en 24 h. chrono seulement, avec un unique bulletin fleuve - accessible sur Internet à 15h. lundi, pour un vote fixé en "AG" dans la soirée ! - n’appelant qu’une seule réponse pour trois affirmations, aussi discutables l’une que l’autre : 1) réaffirmation d’objectifs gouvernementaux devenus, pour l’heure, complètement virtuels ; 2) refus d'une participation au gouvernement PS, aucunement proposée ;  et 3) confirmation de la poursuite d’une stratégie de Front de Gauche, pourtant en échec patent. 
Trois questions pour un seul vote par militant(e) ! Avec, à la clé, un refus soigneusement verrouillé (ex. fermeture immédiate de tout forum à ce sujet sur le site national du parti) d’une quelconque évaluation, un tant soit peu critique, de la séquence électorale, présidentielle et législative, qui s’achevait. 
Avec des votes successifs selon trois ou quatre degrés – AG de section, très minoritaires dans ces conditions, totalisation fédérale, puis conférence nationale aux délégués choisis – cette consultation donne, mais sans grande surprise, un score à la soviétique pour l’approbation des orientations de la direction nationale. Au prétexte de refuser une participation gouvernementale qu’on ne lui propose évidemment pas et on comprend bien pourquoi : majorité absolue pour le PS et ses alliés, division par deux du nombre des députés communistes, au point de peiner à constituer un groupe ! La "ceinture rouge" communiste en lambeaux, avec la perte de plusieurs circonscriptions "historiques" en Seine St Denis et dans le Val de Marne. Quel succès !
  • Un bilan esquivé
Mais force est cependant d'admettre un "paradoxe" flagrant : celui d’un nouvel affaiblissement du PCF dans un contexte de poussée et de victoire de la gauche. Et on cherche aussitôt les "boucs émissaires" à qui faire porter la responsabilité : la faute d’un "système" par trop présidentiel et bipolaire. Quelle découverte ! Les médias et leurs éditorialistes (ex. A.Duhamel) - têtes de Turc habituelles - ou les militant(e)s qui n'auraient pas fait preuve d'assez d'"enthousiasme". 
Surtout, on manipule les chiffres, en comparant allégrement ce qui ne saurait l'être. Car 2012 ce n’est pas 2007 ! En 2007, la droite avait le vent en poupe. Alors qu’en 2012, c’est la gauche, mais au seul profit électoral du PS et de ses alliés Verts, et pas du PCF. Un progrès ? Cherchez l’erreur ! En 2007 le Front de Gauche n’existait pas, et aujourd’hui, le PCF s’y dilue, jusqu’à la confusion pure et simple. On se félicite ad libitum de sa "dynamique", de son "élan". Mais avec, sur une telle ligne gauchisante, le siphonnage quasi total des voix du NPA et de LO, il n’y a pourtant pas de quoi tant pavoiser.
En négligeant aussi que chez tous les "chefs" du Front de gauche, grand et petits, autoproclamés pour la plupart, il n’y a pas, à tous les niveaux, du national (J-L Mélenchon [voir 1 et 2) au local, que des amis qui nous veulent vraiment du bien. Mais peu importe, la direction du parti elle même veut  continuer  d'y croire à tout prix et persévère, à marche forcée, dans cette voie front-de-gauchisante. Pendant la campagne présidentielle, l’Huma était, par exemple, (re)devenue "l'organe central" : celui - "enthousiaste" (J-E Ducoin), voire "admiratif" (M-G Buffet) -, sans le moindre petit bémol, du mélenchonisme le plus débridé.
  • Le parti dans le collimateur
A l’évidence, l’objectif primordial de cette consultation aura surtout été de faire avaliser, à marche forcée, la poursuite d’une stratégie pourtant calamiteuse pour le parti. Alors qu'une telle décision devrait être statutairement celle d’un congrès, celui dont la date est sans cesse repoussée, d’abord après les élections, et puis au début 2013 ! Mais, le moment venu, on objectera alors que les décisions ont déjà été "démocratiquement" prises, notamment par cette consultation mascarade.
Lénine dénonçait en son temps, en Russie, le gauchisme comme « la maladie infantile du communisme ». On voit sous nos yeux qu’elle tourne, aujourd'hui en France, à la pathologie sénile. A moins que la direction nationale du parti ait d’ores et déjà décidé de sa disparition, sorte d' hara-kiri politique, par une "mutation" ultime pour tout autre chose, avec adhésion directe, sur le modèle Die Linke, un parti de la gauche allemande lui-même durement en proie aux échecs électoraux et aux querelles d’égos dans son appareil.
Tout cela est profondément désolant pour moi qui entends bien, malgré tout, rester communiste. Au risque d'être stigmatisé comme "identitaire frileux", sinon comme "vieux stalinien" - ce reproche serait plaisant -, je continue d'être convaincu de la nécessité d’un parti communiste, en tant que tel, dans un paysage politique d’aujourd’hui réduit à un champ de ruines, largement miné par l'extrême droite. Mais alors un parti rénové. Pas tant celui de "l'humain d'abord" - un plat truisme qui ne veut pas dire grand chose ! - que celui de l'émancipation humaine au quotidien, et pas seulement à la veille ou pendant les échéances électorales.

Comme ironisait Aragon : « Le parti, j’en démissionne tous les soirs, mais j’y réadhère tous les matins ». Aujourd’hui, alors que, fidèle militant depuis bientôt 44 ans et modeste élu communiste, je souhaite malgré tout ne pas le quitter, c’est mon parti lui-même qui m'inflige ce sentiment douloureux de m'échapper, de me faire faux-bond. Tout cela me désole au plus haut degré, mais j’imagine et j'espère que je ne suis sans doute pas le seul dans ce cas. Au moins - maigre consolation - l'aurai-je dit ici !

Mise à jour du 24 juin 2012

NB : ce texte est une version revue et complétée de mon intervention au cours de l'AG des communistes de la section de Basse-Loire le lundi 18 juin 2012, salle de la Fraternité à Couëron (Loire-Atlantique). 
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- Voir également, sur ce blog, J-Yves Martin, Régionales 2010 : "Front de gauche, bon sens et raison garder", Nouvelles de Loire Atlantique n°884 du 28 janvier 2010

Et, puisque le débat n'a guère pu avoir lieu dans les circonstances de la consultation, ci-dessous divers points de vue qui ne se coulent pas dans le moule du conformisme officiel de la ligne "Front de gauche". Je ne les partage évidemment pas tous en totalité, mais il y a cependant à prendre dans chacun :

Commentaires

  1. Voir également : "L’avenir du Front de Gauche et du PCF" par La Riposte

    http://www.lariposte.com/l-avenir-du-front-de-gauche-et-du,1795.html

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