Lu sur Marianne2.fr
Disons le tout net : ce livre va remuer bien des passions dans le
petit monde des économistes, tant il met en cause les vedettes de la
profession. La contestation de la place et du rôle des « économistes
médiatiques » n’est pas tout à fait nouvelle. Elle date en fait du début
de la crise des subprimes. Le public l’a découverte avec le succès de
deux documentaires « Inside job » pour les Etats-Unis et « Les
Nouveaux chiens de garde » en France. Mais là où le documentariste s’en tient
à une dénonciation de principe, drôle mais pas forcément convaincante, Laurent
Mauduit, journaliste à Mediapart, est allé chercher les informations qui
étayent le propos.
Ainsi les « Imposteurs » nous content par le menu ce que sont les onéreux « ménages » et les fructueux « à-côtés » de la vingtaine « d’experts » qui tournent en boucle sur les écrans et distillent le prêt-à-penser du néo-libéralisme. L’auteur nous emmène dans un monde de conflits d’intérêts auprès duquel l’industrie pharmaceutique semble d’une transparence aveuglante. Aucune de nos vedettes cathodiques, ou presque, n’échappe à son coup d’étrille. De Marc Fiorentino, condamné par l’Autorité des marchés financiers pour sa société Euroland Finance, à Elie Cohen qui gagne deux fois plus en siégeant dans les conseils d’administration qu’avec son métier d’enseignant, en passant par Patrick Artus, grand amateur lui aussi du cumul des rémunérations. Tous sont malades de la peste, même quelques noms respectés : Jean-Paul Fitoussi pratique les « ménages », Michel Aglietta conseille Groupama Assurances, Daniel Cohen l’imite chez Lazard, etc.
Tous ces personnages ont pour point commun d’être les conseilleurs des princes, les arbitres médiatiques de la bien-pensance en économie, et de soigner, à des degrés divers, leurs portefeuilles. Quelques-uns dominent ce cercle de la déraison : Alain Minc, Jacques Attali ou Jean-Hervé Lorenzi, pilier de la banque Rotschild et président du Club des économistes, extraordinaire réseau d’influence des intellectuels de la finance. Le plus sidérant, si l’on ose dire, est qu’une bonne partie de ce personnel s’est mise à disposition du candidat socialiste François Hollande et fait partie de son cercle de conseillers.
L’exercice ressemble à la stratégie Dracula : mettre en pleine lumière ce qui est caché. Est-ce suffisant pour délégitimer les « imposteurs » ? Hélas, ou heureusement, non, et Laurent Mauduit en convient à demi-mot. Il ne suffit pas de dénoncer la collusion d’un Patrick Artus ou d’un Daniel Cohen avec les « forces de l’argent », pour abattre leurs travaux. Même en économie le déterminisme a ses limites humaines. Et le libéralisme ne se combat pas seulement en braquant un projecteur, salutaire et nécessaire, sur les comptes en banques.
Reste à savoir qui a placé tout ce beau monde sur un piédestal : il n’est pas indifférent à la réflexion d’apprendre que l’auteur reconnaît non sans honnêteté avoir lui-même joué un rôle dans cette entreprise, en ouvrant les colonnes de Libération, puis du Monde à certains d’entre eux. Comme quoi la collusion peut parfois se nicher en chacun de nous.
Les imposteurs de l’économie, de Laurent Mauduit, J.-C. Gawsewitch, 320 p., 19,90 €.
Ainsi les « Imposteurs » nous content par le menu ce que sont les onéreux « ménages » et les fructueux « à-côtés » de la vingtaine « d’experts » qui tournent en boucle sur les écrans et distillent le prêt-à-penser du néo-libéralisme. L’auteur nous emmène dans un monde de conflits d’intérêts auprès duquel l’industrie pharmaceutique semble d’une transparence aveuglante. Aucune de nos vedettes cathodiques, ou presque, n’échappe à son coup d’étrille. De Marc Fiorentino, condamné par l’Autorité des marchés financiers pour sa société Euroland Finance, à Elie Cohen qui gagne deux fois plus en siégeant dans les conseils d’administration qu’avec son métier d’enseignant, en passant par Patrick Artus, grand amateur lui aussi du cumul des rémunérations. Tous sont malades de la peste, même quelques noms respectés : Jean-Paul Fitoussi pratique les « ménages », Michel Aglietta conseille Groupama Assurances, Daniel Cohen l’imite chez Lazard, etc.
Tous ces personnages ont pour point commun d’être les conseilleurs des princes, les arbitres médiatiques de la bien-pensance en économie, et de soigner, à des degrés divers, leurs portefeuilles. Quelques-uns dominent ce cercle de la déraison : Alain Minc, Jacques Attali ou Jean-Hervé Lorenzi, pilier de la banque Rotschild et président du Club des économistes, extraordinaire réseau d’influence des intellectuels de la finance. Le plus sidérant, si l’on ose dire, est qu’une bonne partie de ce personnel s’est mise à disposition du candidat socialiste François Hollande et fait partie de son cercle de conseillers.
L’exercice ressemble à la stratégie Dracula : mettre en pleine lumière ce qui est caché. Est-ce suffisant pour délégitimer les « imposteurs » ? Hélas, ou heureusement, non, et Laurent Mauduit en convient à demi-mot. Il ne suffit pas de dénoncer la collusion d’un Patrick Artus ou d’un Daniel Cohen avec les « forces de l’argent », pour abattre leurs travaux. Même en économie le déterminisme a ses limites humaines. Et le libéralisme ne se combat pas seulement en braquant un projecteur, salutaire et nécessaire, sur les comptes en banques.
Reste à savoir qui a placé tout ce beau monde sur un piédestal : il n’est pas indifférent à la réflexion d’apprendre que l’auteur reconnaît non sans honnêteté avoir lui-même joué un rôle dans cette entreprise, en ouvrant les colonnes de Libération, puis du Monde à certains d’entre eux. Comme quoi la collusion peut parfois se nicher en chacun de nous.
Les imposteurs de l’économie, de Laurent Mauduit, J.-C. Gawsewitch, 320 p., 19,90 €.
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