A l'occasion des cérémonies du 11 novembre, l’Élysée impose une lecture banalisée des guerres.
Un article de Dominique Bègles dans l'Huma d'hier.
" L'obsession de réécrire l'histoire. Fabriquer une identité nationale. Semer le doute ou l'ignorance sur les repères mémoriels : l'ambition de Nicolas Sarkozy est connue. à la veille du 11 novembre et des commémorations de l'Armistice de 1918, hommage aux millions d'hommes tombés dans une guerre impérialiste, l’Élysée vient d'envoyer aux élus un texte qui modifie en profondeur le sens de cette histoire. Sans concertation ni débat à l'Assemblée nationale, comme le sujet en requiert pourtant l'exigence...
Marc Laffineur, secrétaire d’ État aux Anciens combattants,
explique que "cette année, les cérémonies seront l’occasion de rendre un hommage
national à l’ensemble des morts pour la France, de la Grande Guerre à
aujourd’hui". Il joint un message du Président de la République qui devra
impérativement être lu dans l’Hexagone. L’hôte de Élysée y justifie l’opération
idéologique. "La disparition du dernier combattant du premier conflit
mondial, le 12 mars 2008 […] implique de faire évoluer la portée symbolique de
la journée nationale du 11 novembre".
En conséquence, il
décide qu’il s’agit désormais « d’établir une filiation directe entre les
différentes générations du feu ». Moyennant quoi, Élysée proclame que "chaque 11 novembre, tous ceux qui ont donné leur vie pour la France, que
ce soit pour la défense de la patrie ou
lors des opérations extérieurs auxquelles notre pays participe, seront
également associés à cet hommage solennel de la nation".
Et pour que nul n’ignore la portée de la décision, il
explique sans ambages que cela concerne les opérations de la période. A savoir, "nos troupes engagées en Afrique, au Proche-Orient, en
Afghanistan". Un mort est un mort ; toute guerre en vaut-elle une
autre ? "On croit mourir pour la patrie et on meurt pour des
industriels", écrivait Anatole France dans une lettre à Marcel Cachin,
publiée par l’Humanité en 1922. La Grande Guerre, la Seconde Guerre mondiale
contre la barbarie nazie, celles d’Indochine ou d’Algérie contre un peuple en
lutte pour sa liberté : tout se vaudrait ?
L’objectif est de faire oublier que la prise de conscience des raisons
de la Grande Guerre a bouleversé les cadres politiques établis, les régimes
d’oppression, les systèmes de classe, le cours du XXe siècle . Cette
instrumentalisation sarkozyste dont la droite a toujours rêvé est une stratégie.
Herni Guaino, conseiller spécial du sarkozysme, l’a baptisée "désaffiliation". Elle décontextualise, privilégie le cliché sur la pensée
historique. En gommant la composante idéologique de chaque événement, le but
est d’occulter pour quelles valeurs il y a eu tous ces morts. Sarkozy veut dépolitiser
l’histoire. Même les morts de Verdun n’ont plus droit au respect".
Dominique Bègles
Lire également sur ce blog : 11 Novembre
et
"La singularité de la Grande Guerre risque d'être dissoute"par Nicolas Offenstadt, maître de conférences à l'université Paris-I, spécialiste de 1914-1918
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