"Un service public local essentiel, qui s’améliore, mais dont la gestion appelle
de nouvelles adaptations"
Un rapport de la cour des
comptes
Les chambres régionales des
comptes, après avoir examiné la gestion de plus de 150 collectivités et
organismes locaux dans une vingtaine de régions, ont effectué quatre
constats principaux :
1- Des résultats
environnementaux en progrès, mais encore moyens
2- Un partage des
responsabilités entres les différents acteurs trop complexe
3- Des coûts toujours en
augmentation et mal maîtrisés
4- Deux modes alternatifs de
tarification, la taxe et la redevance d’enlèvement des ordures ménagères, à
revoir tous les deux.
1- Depuis la dernière enquête
de la Cour des comptes sur le sujet (rapport public annuel de 2002), de nouveaux
enjeux sont apparus :
transposition des directives européennes sur les
déchets, avec des normes environnementales plus exigeantes ; Grenelle de
l’environnement de 2007 qui a fixé des objectifs volontaristes en faveur de
la prévention, du recyclage et de la valorisation.
Il convient de mettre en
oeuvre ces objectifs, ce qui pèse sur les coûts de gestion des déchets ménagers
et assimilés (DMA).
Malgré la baisse des quantités
de déchets produits quotidiennement par les ménages (374 kg par habitant et par
an en 2009), leurs déchets occasionnels augmentent (dépôts en déchèteries,
déchets verts, encombrants), ce qui explique que la production de déchets des
ménages continue au total d’augmenter, mais à un rythme moindre.
Les résultats obtenus par
le service public de gestion des déchets ménagers et assimilés sont moyens par
comparaison avec les principaux pays européens.
Des progrès réels ont
été accomplis du point de vue de l’environnement et de la santé des agents.
Ainsi, les 128 incinérateurs en fonction respectent désormais tous les normes
en matière de pollution de l’air, ce qui n’était pas le cas en 2004.
La gestion des déchets ménagers
et assimilés a aussi enregistré une nette croissance de ses performances
dans trois domaines : la collecte sélective, qui couvre 98,5 % de la
population française, le développement des déchèteries et, dans une
moindre mesure, le recyclage (emballages, verre, carton, métaux,
notamment) et la valorisation des déchets (production de chaleur ou
d’électricité).
Mais des difficultés persistent
néanmoins dans plusieurs domaines :
- la qualité de la collecte reste
à améliorer, particulièrement dans les centres-villes ;
- des situations de carences
en exutoires concernent entre la moitié et les deux tiers des départements,
ce qui multiplie les distances parcourues par les déchets ménagers, entraînant
des coûts financiers et environnementaux substantiels ;
- l’information et la
responsabilisation des citoyens en
matière de tri ou de prévention restent encore insuffisantes, alors qu’elles
sont une condition nécessaire de l’acceptation des contributions de plus en
plus élevées qui leur sont demandées ;
- le pilotage de la
gestion des déchets par des collectivités qui ne possèdent ni la maîtrise
complète des filières ni des instruments comptables et de gestion suffisamment
fiables et exhaustifs, se révèle souvent défaillant.
2- La Cour et les chambres
régionales des comptes ont également constaté que pour mettre en oeuvre ces
objectifs ambitieux, les communes et groupements de communes, qui sont
compétents en matière de prévention, de collecte et de traitement (qui
comprend la mise en décharge, l’incinération, le recyclage et la valorisation),
rencontrent de nombreuses difficultés :
- des compétences mal
définies pour certains déchets « assimilés » collectés en même temps que
les déchets de ménage ;
- des modes d’organisation
territoriale encore souvent irréguliers et peu efficients
- des plans
départementaux de gestion des déchets élaborés par les conseils généraux
qui ne permettent pas d’optimiser l’organisation territoriale et éludent la
question du manque d’« exutoires » (équipements de stockage ou de
traitement destinés à accueillir au final les déchets)
- Le phénomène « NIMBY »
(« pas dans mon jardin ») provoque en effet une forte résistance des
populations contre l’installation de tout nouvel équipement (centre de stockage
des déchets ultimes ou incinérateur), alors même que la directive européenne de
2008 impose un principe de proximité des équipements ;
- des relations souvent mal
maîtrisées avec les opérateurs privés qui réalisent les prestations de
collecte ou de traitement pour le compte des collectivités ;
- des interventions limitées
de l’ Etat et des éco-organismes, les collectivités demeurant en première ligne
dans la mise en œuvre des directives communautaires.
3- Par ailleurs, les coûts
continuent d’augmenter (6 % par an depuis quelques années), avec de très
fortes disparités (du simple au triple d’une collectivité à
l’autre).
Le coût moyen par habitant et par an approchait en 2009 les 124 euros
– soit 33 centimes le kilo - (ou 298 euros par ménage), la dépense nationale
atteignant 8 milliards d’euros.
Cette augmentation tient
essentiellement à l’absence de maîtrise des coûts par les collectivités, du
fait de la taille souvent inadaptée des équipements structurants, de
difficultés dans leurs relations avec leurs prestataires privés, de
l’organisation défectueuse ou de l’évolution des normes.
4- Enfin, le mode de
financement des dépenses n’est pas adapté aux nouveaux enjeux
environnementaux.
Il repose encore sur une
alternative aujourd’hui inadéquate entre service public industriel et
commercial (financé par la redevance d’enlèvement des ordures ménagères ou REOM)
et service public administratif (financé par la taxe d’enlèvement des ordures
ménagères ou TEOM).
- La TEOM est payée par plus de
90 % de la population, en même temps que les impôts locaux.
- La REOM concerne principalement le milieu rural ; elle est moins développée en France que dans d’autres
pays européens. Elle est censée inciter les usagers à adopter les « bons
comportements » et permettre l’application du principe du pollueur-payeur, tout
en favorisant la transparence de la gestion du service des déchets ménagers en
assurant la couverture intégrale des coûts.
Ces deux types de financement
n’intègrent guère l’équité sociale, ni le coût réel du service rendu et encore
moins le caractère incitatif du principe « pollueur-payeur »
Pour répondre à ces
insuffisances, la Cour formule un certain nombre de recommandations.
Elles visent à améliorer
l’efficience et l’efficacité des politiques menées par les collectivités
locales et leurs groupements compétents pour l’élimination des DMA. Le principe
qui les sous tend est que des progrès significatifs, qui demeurent
indispensables, ne seront possibles que par une implication accrue et mieux
concertée de l’ensemble des acteurs concernés au plan local :
1. Clarifier les compétences
en matière de « déchets assimilés » des petites entreprises et en matière de
prévention ; rendre la planification départementale plus opérationnelle en
impliquant mieux les collectivités et en renforçant le rôle des préfets,
notamment en cas de carence des collectivités dans la révision et la mise en œuvre des plans départementaux ;
2. Mieux suivre et mieux
maîtriser les coûts, notamment en rendant obligatoire un budget annexe «
déchets » et en généralisant une comptabilité analytique « déchets »;
3. Améliorer les performances
du service public, en informant mieux sur les résultats obtenus et en
favorisant la création d’équipements pour lutter contre les carences en
exutoires ;
4. Faire évoluer les modalités de tarification du
service public devenue inadaptées en faisant véritablement converger les deux
modes existants (taxe et redevance d’enlèvement des ordures ménagères) dans un
sens plus incitatif pour les usagers.
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