Où est passé le "bien commun" ?

Pour l’auteur, François Flahault, anthropologue, en réponse à la question « comment penser le bien commun dans un contexte où la sphère du politique est dominée par les puissances économiques et financières au service des intérêts privés (…) les hommes et les femmes de bonne volonté attendent des forces politiques et intellectuelles qu’elles relayent leur souci du bien commun dans une conception toutefois approfondie, fondée, cohérente et argumentée ».
Or, dans le meilleur des cas, la notion de bien commun, ou de bien public, se voit remplacée par celle de l’intérêt général, qui n’est que l’addition et la composition des intérêts individuels. Et comme les "droits de l’homme" sont devenus une référence largement partagée, beaucoup croient y trouver la formulation idéale du bien. Mais, souligne l’auteur, il reste cependant « nécessaire de mettre en évidence ce qui manque aux droits de l’homme pour penser le bien commun ». Car si en tant que droits individuels « ils répondent à la question du recours dont chacun devrait disposer contre les abus de pouvoir », pour autant, « ils ne disent pas ce qui est en jeu dans les relations humaines et la vie sociale ».
L’auteur se propose de répondre à la question suivante : « de quelles connaissances empiriques disposons-nous aujourd’hui concernant les invariants de la condition humaine », qui puissent rendre compte de « l’exigence morale qui est au cœur des droits humains ? » Se faisant d’abord l’avocat du diable, il écarte l’interrogation : « n’y a-t-il pas de bonnes raisons de voir dans le bien commun une référence dépassée » ? Il en rappelle alors les sources, à la fois morales et juridiques, qui figurent dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948.
Puis, il examine certaines critiques adressées aux droits humains, dont certaines lui paraissent justifiées, compte-tenu du « caractère problématique d’une conception spécifiquement occidentale où l’opposition entre état de nature et état social joue un rôle fondamental ». Ensuite, il développe sa propre approche de la notion de bien commun,  à travers le questionnement suivant : comment s’articule les liens sociaux et les biens ? Quelles sont les relations entre le bien commun (au singulier), les biens communs (au pluriel) et les biens privés ? Un Etat démocratique doit-il assigner une responsabilité aux pouvoirs économiques et financiers au regard du bien commun ?
Du point de vue de l’économie marchande, il  n’y a tout simplement pas lieu de se préoccuper des biens communs, l’harmonie se réalisant d’elle même grâce à l’autorégulation des marchés. Pourtant, le constat est toujours le même : «  celui d’une situation contraire au bien commun : une petite minorité de super-riches alors que des millions d’humains sont dans la pauvreté et la misère, et un creusement du fossé » qui les sépare. Dès lors, puisque "le bien premier est la coexistence", en ce sens « le bien commun peut être défini comme l’ensemble de ce qui soutient la coexistence, et par conséquent l’être même des personnes ».
Comment la lutte politique peut-elle faire évoluer les rapports de force dans un sens favorable au bien commun ? L’auteur montre ainsi qu’il est possible de s’inspirer d’un autre modèle que ceux dont - plus de vingt ans après la fin de la guerre froide - nous sommes encore trop largement tributaires.
F.Flahault, Où est passé le bien commun ? Fayard/Mille et une nuits, 2011, 200 p., 14 €

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