Pour une écologie sociale et démocratique

Ce livre propose - au-delà de tout catastrophisme ou scepticisme - une nouvelle grille de lecture des grands problèmes environnementaux, mondiaux et locaux, ouvrant un nouvel horizon politique dans lequel les questions écologiques deviennent pleinement des questions sociales.

Pour l’auteur, les termes de "développement soutenable" semblent préférables à ceux de "développement durable", tant galvaudés, « car les inégalités elles-mêmes peuvent être durables, tellement durables d’ailleurs qu’elles finissent par en devenir irréversibles. Or, c’est justement l’excès d’inégalités qui peut empêcher que le développement humain se projette dans l’avenir ; les inégalités sociales devenant écologiquement insoutenables ».

Face aux inégalités, "envisager la social-écologie"

Pour mieux comprendre les termes du débat sur l’articulation entre justice et soutenabilité, l’auteur nous invite d’abord à explorer les trois voies de cette "social-écologie" - qui est plus et mieux qu'un écolo-socialisme - que sont la mémoire, l’expérience et l’action. Son livre met abondamment  en lumière le rôle fondamental que jouent les inégalités sociales dans les crises écologiques: la richesse excessive et la pauvreté extrême, et plus généralement les inégalités de revenu et de pouvoir : elles sont responsables de multiples dégradations environnementales.
L’auteur souligne ainsi, à partir de nombreux exemples, que ce sont les inégalités qui sont insoutenables. A l’ère des disparités environnementales, et malgré "la fausse vertu des riches", la pauvreté est avant tout "une malédiction écologique". Il fait ainsi la démonstration que les dégradations de l’environnement ne peuvent se réduire ni à un excès ni à un défaut de développement économique : elles sont surtout la conséquence d'une carence de développement humain et institutionnel.
L’idée souvent avancée par les "décideurs", petits et grands, « que les arguments écologiques ne sont compréhensibles que formulées en termes de rentabilité économique, finit par être inquiétante et assez peu flatteuse pour les décideurs en question. Elle est surtout fausse. Notre première aspiration dans le monde social n’est pas la rentabilité mais la justice » !
Selon l’auteur, « les dégradations environnementales liées  à la pauvreté ne résultent pas exclusivement du niveau de revenu des individus. Et la hausse du niveau de vie n’est pas le remède universel à ces dégradations. C’est la combinaison de la condition sociale et du contexte institutionnel, autrement dit des conditions économiques et politiques, autrement dit encore des inégalités de revenu et de pouvoir qui détient la clé de ces problèmes socio-environnementaux ».  


"Gouverner la social-écologie" par la démocratie

Ce livre démontre enfin que la démocratie se révèle notre meilleur recours pour faire face aux crises écologiques, à la condition de réaffirmer le principe de justice et d'égalité. Selon l’auteur :  « tant que les questions écologiques ne seront pas systématiquement éclairées sous le jour de la justice et dans leur rapport aux réalités sociales, et notamment aux inégalités, elles demeureront de l’ordre de la politique étrangère pour la majorité des citoyens ».
Pour l’auteur, « nous sommes encore plus responsables de la menace écologique que nous voulons bien le penser, mais nous maîtrisons davantage notre destin (social) que nous voulons bien le croire ». Sa démarche se veut plus pragmatique qu’idéaliste : « nous jouissons de deux biens communs, l’un culturel (la démocratie), l’autre naturel (notre environnement). Nous pouvons tous deux les perdre, en les laissant l’un comme l’autre dépérir, ou les préserver, en nous donnant la peine de reconnaître leur interdépendance ».
Pour "gouverner la social-écologie", il faut surtout dissiper et dépasser tous "les mirages du despotisme vert".  Tout ce qui se « décide au nom du bien commun pour contraindre les modes de vie locaux contre la volonté des habitants (…) sera peut-être écologique, mais sera sûrement antidémocratique et reviendra à l’imposition d’une solution autoritaire ». Car, en dépit du mauvais procès souvent instruit à l’encontre de la démocratie, elle reste pourtant bien "le régime de la vigilance écologique", notre meilleure protection pour affronter les catastrophes écologiques, qui sont marginalement naturelles et massivement sociales : 98% des victimes des catastrophes naturelles habitent aujourd’hui dans les pays pauvres !
La social-écologie vise à réconcilier les impératifs contradictoires du progrès et de la conservation. Pour mieux comprendre les enjeux écologiques et mieux les gouverner, « le régime démocratique est bien le plus favorable à la soutenabilité environnementale,  à la seule condition qu’il travaille à la réduction des inégalités présentes et futures, ce qui ne va pas sans la mise en œuvre de réformes profondes ».
Ce plaidoyer pour la "social-écologie" – qui n’est pas un "écolo-socialisme", comme il y a un social-libéralisme - repose sur une démonstration accessible à tous et débouche sur une invitation à l'action. Il porte un utile message d'espoir : nos sociétés ne seront véritablement soutenables, que si elles sont socialement plus justes.
Éloi Laurent, Social-écologie, Flammarion, 2011, 230 p. 17 €

Commentaires

  1. A compléter par un autre livre récent : Développement durable ou le gouvernement du changement total, de Y. Rumpala. Utile pour remettre en perspective les implications de certaines évolutions.

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  2. Éloi Laurent – Social-écologie : un nouvel horizon
    politique
    Le LEM a eu le plaisir de rencontrer Éloi Laurent, économiste senior à
    l'OFCE, venu présenter son dernier livre : Social-écologie. Partant du constat que le temps des crises écologiques s'accélère, il devient urgent de répondre à
    la « tragédie des communs ». Pour cela, nous devons changer notre façon
    d'aborder les questions écologiques. Nous devons les considérer comme des
    questions sociales et « c'est du côté de la raison première du succès humain
    sur la Terre, la coopération sociale qui favorise l'intelligence collective, qu'il
    faut chercher la cause et la solution à ces crises ».
    C'est la social-écologie comme nouvelle grille d'analyse d'un monde précaire
    écologiquement et socialement.
    De cette nouvelle lecture, il ressort que les inégalités sont centrales, à la fois
    comme causes de ces crises et comme obstacles majeur à leur résolution.
    « L'inégalité accroît l'irresponsabilité écologique des riches, qui en font
    supporter les couts par d'autres, la demande de croissance du reste de la
    population et entrave la capacité de s'organiser efficacement pour préserver le
    capital naturel. »
    La réponse aux crises écologiques passe donc, pour Éloi Laurent, par
    l’encastrement des enjeux écologiques dans les questions sociales, seul à
    même de réconcilier les citoyens avec l'écologie et permettre l’émergence d'un
    nouveau modèle de société. Un modèle basé sur le diptyque démocratie justice.
    C'est la social-écologie comme nouvel horizon politique. Cet essai veut
    porter un message d'espoir.

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