Ce livre est une réflexion nouvelle et synthétique sur l’étape actuelle de "l’agonie du capitalisme" en cours.
· L’auteur, Paul Jorion, y propose d’abord sa (re)définition du capitalisme, à l’heure du libéralisme et de l’économie de marché. Que devient l’argent qu’on gagne, quand l’argent appelle l’argent et se concentre alors inexorablement ? Selon lui, la concentration de l’argent d’un côté a pour effet induit son manque ailleurs, un manque qui est combattu par le crédit débouchant sur des dysfonctions systémiques du capitalisme et de l’économie de marché elle-même. « Le secteur bancaire s’est écroulé, l’Etat s’est porté à son secours et est tombé à sa suite. La banque a alors grimpé sur les épaules de l’Etat, ce qui lui a permis de sortir du trou. L’Etat, lui, y est resté ».
· La seconde partie, consacrée à l’effondrement du capitalisme, est la plus suggestive. L’auteur y revient sur les mécanismes de la crise financière de ces dernières années. Comment, pour le sauvetage du secteur bancaire, les banques ont-elles entraînés les États dans leur chute ? Il éclaire d’un regard expert, et dans un vif récit, les mécanismes complexes des retombées de la crise des subprimes. Pour lui, l’affaire Goldman Sachs témoigne de "la fin de l’intégrité du marchand", montrant "la corruption des marchés boursiers" et justifiant la perte de confiance qui en est résultée. Dans le désordre monétaire mondial, le spéculateur joue contre l’économie, alors que la transparence exigerait l’interdiction de tels paris sur les fluctuations des cours et des prix.
· Dans la troisième partie du livre, P.Jorion propose de revenir à la case départ de la bifurcation du capitalisme vers l’impasse où il s’est fourvoyé, en revisitant à nouveaux frais "les leçons de l’histoire" de la pensée de "ceux qui savaient" sur sa faillite probable. « Certains phares de la pensée humaine avaient deviné que notre espèce se trouverait un jour confrontée à des questions sinon insolubles, du moins exigeant qu’elle amorce un tournant de même ordre de grandeur que celui qui nous fit passer du paléolithique au néolithique, ou des sociétés agraires aux sociétés industrielles », écrit-il.
Il s’agit, entre autres, de Maximilien Robespierre, Saint-Just et Marat pointant, dès la Révolution française, la contradiction nichée entre propriété et éthique ; du philosophe allemand G.W.F.Hegel, pour qui « le citoyen et le bourgeois qui sont logés en nous ne parlent pas d’une même voix »; de Marx, "celui dont on a oublié le nom", dont il propose une relecture ; de John Maynard Keynes, qui « sauva le capitalisme dans les années 30 en définissant le plein emploi comme le point-pivot autour duquel tout devait s’ordonnancer ». Etonnant qu’une telle galerie de portraits s’achève, au nom "des gens ordinaires qui prennent les choses en mains", sur la référence à Éric Cantonna et sa proposition d’octobre 2010 de retirer des banques l’argent que nous y avions déposé ! Un géant de la pensée ?
Qu’importe. Ce livre illustre parfaitement le "processus critique" dans lequel le capitalisme est entré: « la chute est désormais certaine, seul son moment précis doit encore être déterminé. Seuls les talents de l’équilibriste et sa chance décideront du temps qu’il reste avant de tomber. Mais il tombera ».
Paul Jorion, Le capitalisme à l’agonie, Fayard, 2011, 360 p., 20 €.
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