La politique dans les espaces ruraux ou périurbains reste un objet de recherche délaissé, alors que ces espaces regroupent l'immense majorité des communes. A travers une pluralité d'approches (politiques, géographiques, sociologiques) ce livre examine les spécificités du pouvoir municipal à l'échelle du village et les évolutions en matière de gestion publique à l'œuvre dans les zones rurales avec les développements récents de l’intercommunalité.
Un chapitre montre d’abord que le vote des agriculteurs doit y être rapporté à la perception de la place que ce groupe estime devoir occuper dans les communes rurales. Selon son auteur, cette perception est sous-tendue par une dimension à la fois patrimoniale (l’espace rural comme patrimoine social hérité), et identitaire (l’espace rural comme marqueur d’une identité professionnelle).
Un autre élément omniprésent dans l’accès au mandat électif, notamment de maire, est l’apolitisme, qui « doit à ce titre être pris au sérieux ». L’apolitisme local est d’abord une stratégie visant la production d’un consensus. C’est ensuite une rhétorique qui permet de cacher cette face la plus illégitime de la politique que serait l’appartenance partisane. Quoi qu’il en soit, l’apolitisme en considéré comme l’un des ressorts de l’éligibilité en milieu rural.
Alors que les citoyens semblent souscrire à l’apolitisme municipal, ils ne sont pas pour autant eux mêmes dépolitisés et ne manquent pas de repères idéologiques et partisans, à la fois locaux et nationaux.
Mais d’autres textes examinent aussi la manière dont les partis colorent néanmoins la politique en milieu rural. L’un décrypte par exemple comment le Parti socialiste utilise les maires ruraux comme des auxiliaires, afin d’opérer une dépolitisation stratégique des campagnes et des programmes dans le cadre des élections législatives. Il montre comment les édiles ruraux constituent des ressources stratégiques du Parti socialiste ("La fête des maires" !) en campagnes électorales. Il confirme ainsi que les élus ruraux ne sont pas les seuls à faire un usage politique de l’apolitisme.
Le développement de l’intercommunalité contribue à l’émergence d’une nouvelle figure politique : le "semi-professionnel", sorte d’intermédiaire entre le professionnel et l’amateur. « Cette professionnalisation favorise et, réciproquement, est favorisée par la diffusion d’une approche managériale dans l’univers du développement local » inscrit dans une démocratie d’expertise plus délégataire que véritablement représentative, et encore moins participative.
Quant aux rapports entre les élus locaux et les personnels administratifs des communautés de communes, Sébastien Vignon met en évidence les rapports de défiance existant en interne. Avec une double dynamique de socialisation et de stigmatisation croisées : « les élus se méfiant du jugement d’individus jeunes et qualifiés, qu’ils considèrent comme des technocrates ; en retour, ces derniers, qui ont un statut précaire et sont mal payés, vivent mal de devoir prendre en compte, avec très peu de moyens, les positions jugées archaïques des élus ».
Certes l’exigence d’apolitisme reste un élément caractéristique de la vie politique en milieu rural et périurbain. Les élus pensent y être tenus de garder leurs distances avec les structures partisanes. L’interconnaissance, les relations personnelles de proximité avec les élus restent des éléments qui sont très valorisés par les électeurs ruraux, et symbolisent la vie politique des petites communes. Pour autant, cela ne signifie pas qu’ils se tiennent en marge de tout lien avec les partis, ni que les électeurs prônent l’apolitisme par incompétence politique. La mixité sociale et l’apport de nouvelles générations de néo-ruraux périurbains est sans doute de nature à changer la donne politique dans les campagnes.
Sylvain Barone, Aurélia Troupel, "Battre la campagne", L’Harmattan, 2010, 294 p., 27,50 €
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