Palestine : exil et retours

Ce livre de Suzanne el Farrah el Kenz, est un coup de cœur et de poing, « afin que l’oubli ne soit pas une tare dans une terre à l’histoire millénaire »,
Cette "histoire palestinienne" est d’abord le récit du sinueux périple de ses exils successifs dans divers pays : l’Egypte, l’Arabie Saoudite, l’Algérie, la Tunisie et, finalement la France, où elle est aujourd’hui professeur de langue à Nantes. Son parcours palestinien, fait d’éloignement et de retours, s’articule autour de deux visites, plus traumatisante et douloureuse l’une que l’autre, dans la maison maternelle, « la maison de Beer Sheva, petite ville à l’entrée du Néguev, petite ville parmi tant d’autres. Toutes avec des maisons, toutes avec des histoires de napperons, de fauteuils, de plats, de garçons, de filles, de famille et j’en passe. Toutes perdues. Toutes fichues ? Pour nous, grand perdants et perdus ».
Ce récit culmine ensuite dans un magnifique chapitre central – intitulé "Ghazza l’obsession, 2009" - véritable apostrophe : « Ghazza, je me souviens, je ne sais pas comment,  mais je me souviens. J’ai été nourrie de ce souvenir, je l’ai entretenu toute mon existence et, cela, tu le sais bien, toi, ma cruelle Ghazza. Je t’ai dans la peau,  mémoire encombrante, et moi, de mon côté, réfugiée lointaine mais présente, je te harcèle encore et encore.  Présente, je lève toujours la main pour toi. Diasporisée, ostracisée, mais je n’abdique pas, je me réclame de toi (…) Trois ans in Ghazza, mais ça suffit pour te pourrir l’existence ».
Suit un récit sensible d’un voyage "touristique" de retour en Palestine, avec son fils Aniss. « J’ai vu et visité, dit-elle, bien des villes, arpenté des routes, des chemins des campagnes ? Je me suis imprégnée de leurs couleurs, de leurs odeurs, de leurs bruits. Hébron, Beitlehem, Beit Sahour et tant d’autres », avec, chemin faisant, une "virée à Ramallah", une "pause à Jéricho", et -  "encore et encore !" -  Jérusalem.
En soulignant : « je me suis souvent dit que c’était peut-être mon dernier voyage là-bas, que je ne pourrai plus jamais y retourner. Curieusement, au fond de mon cœur, la Palestine a toujours été à la fois espoir et terreur. Et j’ai toujours rêvé d’un pays où tout serait simple, ordinaire. Malheureusement les choses sont allées en se compliquant, chaque jour davantage. Et les événements récents ont encore assombri le tableau ».
Un récit émouvant, à échelle humaine, un livre fort qui en dit long sur les blessures ouvertes de l’exil palestinien.
Suzanne el Farrah el Kenz, La maison du Néguev, Ed. Pleine Lune, 2010, 144 p., 20,95 €.

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