- Dans « Pour une terre commune », André Chassaigne, vous plaidez pour une remise en question du productivisme. Pourquoi ?
André Chassaigne. Ce livre est un cheminement vers une prise de conscience. Comme beaucoup de communistes, j’ai longtemps sous-estimé cette question. Notre réflexion sur le mode de développement doit intégrer la question de l’avenir de la planète. Certains mots comme «productivisme» ne doivent plus être tabous pour nous. Le productivisme fait partie de notre héritage. Notre culture et notre pensée ont été influencées par l’idée que le progrès scientifique et technique engendre mécaniquement le progrès humain. Nous avons raison de dénoncer et de vouloir dépasser le capitalisme. Mais il faut aussi s’interroger sans a priori sur la nature du mode de production que nous voulons construire. On peut être communiste et antiproductiviste. On peut être communiste et se poser la question de la décroissance. Je pense que certaines productions doivent décroître et d’autres, au contraire, augmenter. Le développement économique est nécessaire mais il ne peut plus se poursuivre sans évaluation de son impact et surtout sans que soit vérifié l’intérêt du maintien de telle activité. La caractéristique du capitalisme, c’est l’addiction au profit. Celle-ci génère des conséquences terribles pour les hommes, les territoires et la planète. Les questions de la biodiversité ou de la gestion des ressources naturelles sont à reconsidérer sur la base des cycles longs du renouvellement de la nature. Le capitalisme fonctionne en cycles courts. Ceux de la rentabilité. Mais ce constat ne nous exonère pas de sérieuses remises en question. Est-il nécessaire de le rappeler? Mais de graves atteintes ont été portées à l’environnement dans les ex-pays socialistes.
Dans mon livre, je m’attelle à déconstruire le capitalisme vert. Il faut démystifier ce discours moral sur la responsabilité individuelle vis-à-vis de l’environnement. Il ne s’agit pas de dire que chacun peut continuer à faire n’importe quoi. Il s’agit juste de constater que la responsabilité des atteintes à la planète n’incombe pas à tous. Le discours sur la responsabilité individuelle vise surtout à camoufler la responsabilité du système.
- Les formules incitatives ou pénalisantes, fondées sur le principe du « signal prix », se révèlent des échecs cuisants…
André Chassaigne. Cette politique des prix révèle une volonté de déplacer la responsabilité des États et des industriels vers la responsabilité individuelle de tout un chacun. La taxe carbone ou les bonus-malus consistent à dire que ce serait au consommateur de payer les dégâts. C’est cette même logique qui prévaut à la question des charges sur le traitement des déchets ménagers ou de l’eau. En disant que c’est « ce salaud de pauvre » le coupable, on épargne ceux qui sont fondamentalement responsables du problème. On élude le fait que des États, des grands groupes financiers et industriels mettent tout en œuvre pour favoriser quelques privilégiés au détriment du plus grand nombre.
Alors, comment agir ? D’abord, en redonnant le pouvoir à ceux qui doivent l’avoir, c’est-à-dire aux citoyens. Et en construisant une réponse mondiale, car c’est là l’unique voie pour résoudre les problèmes du partage de l’eau, de l’air et de l’énergie.
Propos d'André Chassaigne, à la Fête de l'Huma, recueillis par l'Humanité du 17 septembre 2010
Propos d'André Chassaigne, à la Fête de l'Huma, recueillis par l'Humanité du 17 septembre 2010
André Chassaigne, « Pour une terre commune », Ed.Arcane 17, 224 p., 19 €
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