Haro sur les "communo-terroristes"

Histoire policière et coup éditorial
Ce livre, consacré à l’Organisation Valmy du PCF pendant la seconde guerre mondiale, prétend, comme l’indique son sous-titre, dévoiler rien moins que « la face cachée du PCF » de 1941 et 1943.
Sous le titre : « Liquider les traîtres » - qui selon Le Monde « fleure le coup éditorial » et fait « craindre le pire », - il porte sur un groupe d’une trentaine de résistants communistes, chargé d’actions contre les occupants nazis et de l’exécution de quelques « collaborationnistes » français.
Il se place dans la lignée du «  Livre noir du communisme  » dirigé par S.Courtois, en 1997, qui va réédité bientôt l’opération avec un « Dictionnaire du communisme ». La grande presse ne tarit pas d’éloges : « enquête exemplaire » (Le Figaro), « époustouflant ouvrage » (L’Express), qui dénonce « le flicage et le fichage ... au sein d’un PC par essence paranoïaque » (Le Point).
Adossés à leurs titres universitaires, les auteurs ne cachent cependant pas leur objectif d’avoir écrit une enquête historique qui puisse se lire comme un « roman ». Et, « pour laisser tout son sel » à cette enquête, ils y mettent délibérément l’accent sur certaines "bavures", pour mieux incriminer leur “commanditaire”. J.Duclos, dirigeant clandestin du PCF en territoire occupé.
Puisqu’ils récusent, pas principe, les témoignages des acteurs - suspectés de troubles de mémoire, mais surtout de parti pris - les auteurs prennent  exclusivement comme source les documents d’archives policières. Or, concernant ce détachement Valmy, quelle valeur absolue leur attribuer venant des « services spécialisés de la Préfecture de police : brigades spéciales et première section des Renseignements généraux, équipes spéciales de la Police municipale », chargés de pourchasser sans rémission ceux qu’ils qualifient de“communo—terroristes” ?
Un tableau récapitulatif des 34 actions du détachement Valmy, répertoriées par les auteurs sur cette base, entre juillet 1941 et octobre 1942, indique clairement que s’il est vrai qu’au cours de la 1ère année le groupe "fait le ménage" par une douzaine d’actions, notamment dans les rangs des ex-membres du PCF ralliés au nazisme - tel M.Gitton du POPF, présenté comme un "père tranquille" de la collaboration  - ensuite, la quasi totalité des vingt actions suivantes, d’août à octobre 1942, concernent avant tout des objectifs allemands, en dehors du cas de M. Dardant.
Mais, malgré tout, consacré soi-disant à «  la face cachée du PCF  », ce livre en recèle, en fait, un autre, de bien meilleur aloi, dont le sujet est bien la police française de traque anticommuniste. Ainsi, selon Le Monde : "Autant que la face cachée du PCF, c’est donc l’une des pages les plus sombres de l’histoire de la police française qui est racontée dans ce livre. Et en particulier celle de ces redoutables "brigades spéciales", auxquelles la direction des RG accorda de gros moyens pour traquer les résistants communistes".
Le tout repose néanmoins sur le postulat Courtois devenu celui de l’école académique française sur le sujet, qui se résume à : le communisme est, par nature, criminogène  ! Tout l’appareil critique qui est censé l’étayer est finalement renvoyé en fin d’ouvrage, dans de copieuses notes et annexes (bibliographie et index), soit plus du quart du livre. Les auteurs s’y réclament alors d’une « histoire scientifique, digne de ce nom », en pourfendant la “vulgate” de toute l’historiographie de la Résistance. Elle ne serait à leurs yeux, avec « les imprécisions, lacunes, ou erreurs de la plupart des ouvrages existants », qu’ « erreurs, mensonges, oublis et exagérations », au service de la légende des “professionnels” communistes.
Ce livre paraît dans une conjoncture politico-historique précise : celle de l’approche de la commémoration des fusillades de Châteaubriant relancée par la décision de N.Sarkozy de faire lire la lettre de G.Môquet dans les lycées. Par un certain nombre de biais méthodologiques et formels - romance d’une histoire policière visant le succès éditorial et l’écho médiatique - il conduit à un surprenant renversement de sens, où ce sont les pourchassés qui deviennent les persécuteurs.
Jean-Marc Berlière et Franck Liaigre, "Liquider les traîtres, La Face cachée du PCF, 1941 - 1943", R.Laffont, 2007, 510 p. 22 €.

Commentaires