"Nantes Métropole" à l’horizon 2030 : quels enjeux ?


Nantes métropole s’interroge sur son avenir à l’horizon 2030. Cet exercice citoyen de prospective exige de s’extraire des perceptions, représentations et pratiques courantes. D’emblée, il faut relever cette confusion ancienne persistante, incarnée par son logo, qui réduit la métropole aux seules dimensions de la CUN (Communauté Urbaine de Nantes). Or l’aire d’influence de Nantes, en tant que métropole régionale, s’étend bien au-delà de son aire urbaine, du SCOT, voire du département.

1 – L’économie

Les prétentions de la géoéconomie à faire des villes et districts industriels "qui gagnent" le seul modèle de "villes d’exception" doivent être réexaminées. Nantes illustre que "l’avantage métropolitain" est désormais moins post-industriel, que celui de la "ville créative". « On voit s’échafauder une vision potentiellement très sélective de l’économie dont le modèle de développement repose sur l’attraction de la classe créative à force d’aménités séduisantes, d’une qualité de vie soigneusement entretenue, de quelques événements culturels phares » (Halbert, 2010)  Nantes n’est plus la ville des chantiers navals qu’à titre mémoriel, mais désormais celle des Allumés, de la Folle Journée et de Royal de Luxe, bref, plus celle des "bobos" que des "prolos"

2 - La durabilité

Aujourd’hui, au nom  du "développement durable", le discours métropolitain s’oriente vers le modèle d’"écométropole". Mais, « cette présence quasi incantatoire du développement durable constitue, selon D.Delbaere, peut-être le dernier avatar de cette tentative de ressaisissement de l’espace public par le pouvoir politique. Le discours technique sur le territoire, reprend le contrôle la ville via l’environnement. Par ce biais, la dimension sociale de l’espace public, portée par le paysage, est oubliée.
Mais cet oubli ne peut être que momentané, car les politiques de développement durable ainsi réduites à l’énoncé de nouvelles normes échoueront non seulement à résoudre les problèmes environnementaux contemporains, mais aussi à composer un espace ouvert à tous. Alors il faudra bien que la société civile reprenne la main, et fasse valoir son désir d’espace public, qui est aujourd’hui un désir de paysage. » (Delbaere, 2010)

3 – La mobilité

L’étalement urbain serait-il devenu "un processus incontrôlable" ? Un regard prospectif oblige à considérer ses origines et à anticiper ses conséquences, pas seulement parce qu’un tournant s’est opéré en faveur de la "durabilité". Les forces motrices en sont, certes, les logiques assurantielles et foncières, mais aussi la recherche d’aménités environnementales et paysagères, d’un jardin, de calme et d’espace pour les enfants, en bref toutes les représentations de la « bonne qualité de vie », en partie nourries par des sentiments anti-urbains. La force des processus et des jeux d’acteurs, rend sceptique sur la capacité à le maîtriser. Le fractionnement des pouvoirs urbains,  des niveaux de coopération trop distendus ou conflictuels entre aires urbaines, des périmètres d’interventions trop restreints sans cohérence d’ensemble entre les prérogatives de chacun, posent de sérieux problèmes de gouvernance ("L’étalement urbain", 2010).

4 – La gouvernance

La mutation urbaine laisse apparaître, selon P. Estèbe, deux « régimes urbains  ». Le Gargantua de l’agglo centrale, « parce qu’il attrape tous les problèmes, toutes les compétences qui passent à sa portée ». Alors que dans les intercommunalités périphériques, espace fragmenté de la périurbanisation, c’est le régime du "club" qui règne. Sur les bases du volontariat et de la cooptation, il réunit, dans le consensus, ceux qui acceptent de partager le coût de production d’un ou de plusieurs biens publics désirés. L’objectif d’un tel dispositif n’est donc pas vraiment de corriger les inégalités sociales et spatiales, qu’ il contribue à accentuer. La « démocratie participative » peut y devenir elle-même l’alibi d’une certaine fermeture.
Dans ces conditions, la prolifération d’instances telles que conférences métropolitaines, syndicats mixtes, associations intercommunales sont autant de “machins” (D.Béhar) que « les leaders des grandes villes déploient pour trouver les moyens d’enrôler leurs périphéries dans des stratégies consensuelles d’aménagement et de développement ».

La démocratie territoriale de proximité passe donc par d’autres chemins.

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