en Loire et Sillon tout comme ailleurs
Dans une récente livraison de la revue Savoir/Agir, deux chercheurs, Fabien Desage et David Guéranger, démontrent par un article très suggestif que, pour eux, avec la réforme des collectivités territoriales en cours, « la démocratisation de l’intercommunalité n’aura pas lieu ». Mais il est surtout saisissant à sa lecture de constater à quel point leurs analyses générales, recoupent parfaitement ce qui peut s’observer en particulier en Loire et Sillon.
Ils se livrent d’abord à une analyse de ce qu’ils appellent « le corporatisme des élus locaux ». La professionnalisation de la politique locale ne concerne pourtant guère « les femmes, les ouvriers ou les employés, qui sont encore plus sous-représentés dans les conseils communautaires que dans les autres assemblées. A l’inverse, les certifications conférées par un diplôme du supérieur ou une profession libérale pèsent dans les instituions intercommunales au moins autant – sinon plus qu’au niveau municipal ».
Pour eux, « dans les arènes feutrées des exécutifs intercommunaux [ ex. bureau communautaire] sont particulièrement valorisés les savoirs techniques, managériaux censés s’ajuster à la rhétorique du « projet » qui caractérisent ces structures ». Un modèle de gouvernance, "entrepreneurial" et/ou "managérial", qui privilégie le "développement économique" et le marketing territorial, bien davantage que la réponse aux besoins de la population locale par des services publics à la hauteur.
Devant la montée en puissance des EPCI et l’élargissement de leurs compétences, la question de leur légitimité démocratique reste cependant entièrement posée, même si force est de constater qu’elle n’est pourtant guère abordée dans le débat public. Le mode de désignation des conseillers communautaires, théoriquement représentants élus par les conseils municipaux, fait qu’en pratique, c’est beaucoup moins d’une élection que d’une cooptation qu’il s’agit. « L’usage le plus répandu est que les maires se répartissent les vice-présidences, et la commune la plus peuplée assurant la présidence ». Ce qui se vérifie parfaitement en Loire et Sillon.
En principe, soulignent-ils, « le transfert d’une compétence à l’EPCI ne dépossède pas la commune, mais, pour être plus précis, le conseil et les acteurs de la vie démocratique municipale ; en revanche, il renforce le maire dans le rôle de porte parole ou d’intercesseur quasi exclusif des intérêts de la commune ».
Le bureau communautaire est, par conséquent, marqué par un mode de gestion entre soi, une collaboration entre pairs, sans relation hiérarchiques ou tutélaire. Avec une certaine façon d’être : « décrypter et anticiper les positions des associés-rivaux, négocier, briller dans les échanges symboliques, faire montre de courtoisie et de retenue, voici les comportements qui siéent aux EPCI ; à l’inverse, l’opposition ostensible, la vindicte ou l’absence d’autocontrôle sont disqualifiés et stigmatisés ».
C’est le signe du fameux "consensus" tant célébré par les responsables communautaires, qui est « non pas la traduction d’un accord sur les fins de l’action publique, mais le produit d’un travail politique de courtage dans un climat feutré, qui exclut toute opposition frontale, tout clivage idéologique, toute confrontation d’intérêts sociaux contradictoires ». Dans les conditions d’un tel consensus, bien évidemment apolitique, plus aucune appartenance partisane, ni même de clivage gauche-droite.
Alors que l’importance des questions nécessiterait pourtant la politisation de certains dossiers, conformément aux engagements électoraux des élus municipaux, au nom de leur appartenance politique, ou vis-à-vis des électeurs-citoyens, « la gestion consensuelle intercommunale repose donc sur la nécessité de rester discret, de maintenir les arrangements dans ces enceintes à l’abri des regards extérieurs ». Comme cela s’est bien vérifié en 2008 dans les communes de Loire et Sillon, « les candidats municipaux sont généralement peu enclins à faire de l’intercommunalité un enjeu de campagne. Et quand bien même il émerge, l’enjeu intercommunal, a peu de chance de survivre à la période électorale ». Le traitement par la presse locale de l’information communautaire - plus léger et aléatoire encore que celle des communes, c’est possible ! -, participe et contribue efficacement à ce huis-clos des débats et enjeux communautaires.
Frappés par ces analyses si pertinentes, on attend avec impatience la publication annoncée de l’ouvrage des deux auteurs : "la politique confisquée", à paraître en 2010, aux éditions du Croquant.
F.Desage et D.Guéranger « La démocratisation de l’intercommunalité n’aura pas lieu », Savoir/Agir n°11, Ed. du Croquant, mars 2010, p.19-27, 15 €.
Lire sur Médiapart : "Le troisième tour n’aura pas lieu… ou la confiscation du débat intercommunal par les maires" par Fabien Desage et David Guéranger
Dans une récente livraison de la revue Savoir/Agir, deux chercheurs, Fabien Desage et David Guéranger, démontrent par un article très suggestif que, pour eux, avec la réforme des collectivités territoriales en cours, « la démocratisation de l’intercommunalité n’aura pas lieu ». Mais il est surtout saisissant à sa lecture de constater à quel point leurs analyses générales, recoupent parfaitement ce qui peut s’observer en particulier en Loire et Sillon.
Ils se livrent d’abord à une analyse de ce qu’ils appellent « le corporatisme des élus locaux ». La professionnalisation de la politique locale ne concerne pourtant guère « les femmes, les ouvriers ou les employés, qui sont encore plus sous-représentés dans les conseils communautaires que dans les autres assemblées. A l’inverse, les certifications conférées par un diplôme du supérieur ou une profession libérale pèsent dans les instituions intercommunales au moins autant – sinon plus qu’au niveau municipal ».
Pour eux, « dans les arènes feutrées des exécutifs intercommunaux [ ex. bureau communautaire] sont particulièrement valorisés les savoirs techniques, managériaux censés s’ajuster à la rhétorique du « projet » qui caractérisent ces structures ». Un modèle de gouvernance, "entrepreneurial" et/ou "managérial", qui privilégie le "développement économique" et le marketing territorial, bien davantage que la réponse aux besoins de la population locale par des services publics à la hauteur.
Devant la montée en puissance des EPCI et l’élargissement de leurs compétences, la question de leur légitimité démocratique reste cependant entièrement posée, même si force est de constater qu’elle n’est pourtant guère abordée dans le débat public. Le mode de désignation des conseillers communautaires, théoriquement représentants élus par les conseils municipaux, fait qu’en pratique, c’est beaucoup moins d’une élection que d’une cooptation qu’il s’agit. « L’usage le plus répandu est que les maires se répartissent les vice-présidences, et la commune la plus peuplée assurant la présidence ». Ce qui se vérifie parfaitement en Loire et Sillon.
En principe, soulignent-ils, « le transfert d’une compétence à l’EPCI ne dépossède pas la commune, mais, pour être plus précis, le conseil et les acteurs de la vie démocratique municipale ; en revanche, il renforce le maire dans le rôle de porte parole ou d’intercesseur quasi exclusif des intérêts de la commune ».
Le bureau communautaire est, par conséquent, marqué par un mode de gestion entre soi, une collaboration entre pairs, sans relation hiérarchiques ou tutélaire. Avec une certaine façon d’être : « décrypter et anticiper les positions des associés-rivaux, négocier, briller dans les échanges symboliques, faire montre de courtoisie et de retenue, voici les comportements qui siéent aux EPCI ; à l’inverse, l’opposition ostensible, la vindicte ou l’absence d’autocontrôle sont disqualifiés et stigmatisés ».
C’est le signe du fameux "consensus" tant célébré par les responsables communautaires, qui est « non pas la traduction d’un accord sur les fins de l’action publique, mais le produit d’un travail politique de courtage dans un climat feutré, qui exclut toute opposition frontale, tout clivage idéologique, toute confrontation d’intérêts sociaux contradictoires ». Dans les conditions d’un tel consensus, bien évidemment apolitique, plus aucune appartenance partisane, ni même de clivage gauche-droite.
Alors que l’importance des questions nécessiterait pourtant la politisation de certains dossiers, conformément aux engagements électoraux des élus municipaux, au nom de leur appartenance politique, ou vis-à-vis des électeurs-citoyens, « la gestion consensuelle intercommunale repose donc sur la nécessité de rester discret, de maintenir les arrangements dans ces enceintes à l’abri des regards extérieurs ». Comme cela s’est bien vérifié en 2008 dans les communes de Loire et Sillon, « les candidats municipaux sont généralement peu enclins à faire de l’intercommunalité un enjeu de campagne. Et quand bien même il émerge, l’enjeu intercommunal, a peu de chance de survivre à la période électorale ». Le traitement par la presse locale de l’information communautaire - plus léger et aléatoire encore que celle des communes, c’est possible ! -, participe et contribue efficacement à ce huis-clos des débats et enjeux communautaires.
Frappés par ces analyses si pertinentes, on attend avec impatience la publication annoncée de l’ouvrage des deux auteurs : "la politique confisquée", à paraître en 2010, aux éditions du Croquant.
F.Desage et D.Guéranger « La démocratisation de l’intercommunalité n’aura pas lieu », Savoir/Agir n°11, Ed. du Croquant, mars 2010, p.19-27, 15 €.
Lire sur Médiapart : "Le troisième tour n’aura pas lieu… ou la confiscation du débat intercommunal par les maires" par Fabien Desage et David Guéranger
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